L’Empire du luxe
SPECTACULAIRE SECOND EMPIRE, JUSQU’AU 15 JANVIER, MUSÉE D’ORSAY, PARIS-7e , 01-40-49-48-14.
Ce fut un Empire bref. Né dans le sang après le coup d’Etat du 2 décembre 1851 de Louis-Napoléon, il disparaît sans gloire après la défaite de Sedan, le 4 septembre 1870. Les deux décennies du règne de Napoléon III furent pourtant celles d’un développement économique et technique sans précédent. Les premiers fruits de la révolution industrielle profitent à la classe dirigeante et à une bourgeoisie qui découvre les plaisirs de l’accumulation (du capital) et de la consommation frénétique. Dans cette France-là, l’objet devient roi. Et avec lui, l’image. Dans la grande exposition que le Musée d’Orsay consacre à cette période, les représentations de l’empereur et de son épouse, Eugénie, sont légion : photographes (Gustave Le Gray), peintres (Cabanel, Winterhalter) font leur portrait cependant que JeanLéon Gérôme représente le couple lors d’une étonnante « Réception des ambassadeurs siamois au palais de Fontainebleau ». Peut-on parler d’un culte de la personnalité? Les tableaux de Monet (une oeuvre de jeunesse, « Portrait de Mme Gaudibert »), de Carolus-Duran (portrait de son épouse), d’Ingres (avec son magnifique « Madame Moitessier »), de Manet (« le Balcon », « le Déjeuner sur l’herbe ») témoignent d’une approche nouvelle du portrait, marqué par une dimension plastique (à travers la recherche des effets) et intimiste. Ici, l’image est certes destinée à magnifier le modèle et son statut social, mais elle est aussi liée à l’art du peintre qui affirme ses pouvoirs. Ce Paris impérial est celui des fêtes (avec leurs étonnants décors éphémères installés dans la capitale) et celui d’une opulence ostentatoire. Les orfèvres façonnent des bijoux sertis de pierres précieuses (on verra ici de nombreuses créations de la maison Mellerio) tandis que décorateurs et ébénistes conçoivent des ensembles extravagants marqués par des influences antiques ou orientalistes. Toujours plus beau, toujours plus riche ? Cette société insouciante n’ignore pas davantage les loisirs. On commence à fréquenter les bains de mer sur la côte normande tandis que les théâtres et l’Opéra (rue Le Peletier d’abord puis, après 1875, dans l’actuel Palais Garnier) attirent les foules huppées qui viennent voir jouer Rachel (on verra ici son portrait par Amaury-Duval) ou s’émerveiller des fantaisies de « la Vie parisienne » sur une musique d’Offenbach. Paris était donc une fête ? Quelques mois après la capitulation de Sedan, la Commune de Paris était proclamée. Les feux que l’on vit briller alors ne devaient plus rien à l’éclat des bijoux.