L'Obs

Le dessous des cartes

Le maire de Pau fait durer le suspense. Se lancerat-il une nouvelle fois à l’assaut de l’Elysée? Pari risqué. Il pourrait préférer assurer la pérennité du MoDem et son influence sur la vie politique en constituan­t un groupe à l’Assemblée nationale

- Par AUDREY SALOR

La dernière chance de Bayrou

On perçoit au téléphone qu’il ouvre grand la fenêtre de sa maison de Bordères, son village natal, situé à quelques kilomètres de Pau. « Vous entendez sonner les cloches ? C’est l’angélus de midi. » Pour François Bayrou, en revanche, l’heure du choix n’a pas encore sonné. Sera-t-il, ou non, candidat à l’élection présidenti­elle pour la quatrième fois depuis 2002? Sa décision « n’est pas prise ». Avant de se prononcer, « fin janvier-début février », il veut d’abord observer les faits et gestes de ses éventuels rivaux dans la course à l’Elysée. Ceux du vainqueur de la primaire du PS, du jeune loup Emmanuel Macron, qui « n’a pas de projet », et bien sûr ceux de François Fillon, dont il estime que le programme, trop à droite, « menace l’alternance ». L’option d’une nouvelle candidatur­e à la présidenti­elle serait un pari osé : il devrait affronter un Macron plus populaire que jamais, qui piétine allègremen­t ses plates-bandes. Craindrait-il la comparaiso­n a posteriori avec les 18,5% qu’il avait obtenus au premier tour de l’élection présidenti­elle de 2007 ? Il coupe court : « Je ne crains rien. »

En ce début d’année 2017, François Bayrou est de nouveau face à son destin. Mais, à 65 ans, la vie politique pourrait aussi être derrière lui. Quel bilan laissera le maire de Pau, après trente-cinq ans d’une carrière politique commencée comme conseiller général de Pau-Sud ? Héritier de la démocratie chrétienne, celui qui dirigea la grande UDF est aujourd’hui président du MoDem, petit parti vidé de ses adhérents depuis sa création en 2007. Bayrou et Madelin ont « dilapidé l’héritage », avait un jour persiflé Valéry Giscard d’Estaing, fondateur de l’UDF en 1978. Pas de quoi, pourtant, rendre nostalgiqu­e un Bayrou toujours très sûr de lui : « Cette époque ne me manque pas. L’UDF, c’était des disputes perpétuell­es. Je n’ai pas le regard tourné vers le passé mais vers l’avenir. » Quant à son passage au ministère de l’Education, entre 1993 et 1997, ses détracteur­s en ont surtout retenu quatre ans de cogestion avec les syndicats… Homme sans troupes, Bayrou est en outre isolé à droite depuis le choix qu’il avait fait en 2007 de ne pas soutenir Nicolas Sarkozy, et, surtout, celui de soutenir François Hollande en 2012. Et il n’est pas mieux loti sur sa gauche : le PS lui a ravi sa circonscri­ption des Pyrénées-Atlantique­s aux dernières législativ­es.

2017 sera pour François Bayrou l’année de la dernière chance. La présidenti­elle ? Plutôt l’ultime occasion de faire renaître le grand groupe centriste dont il rêve à l’Assemblée nationale. Pour retrouver une véritable influence sur les choix politiques du pays. Pour laisser une petite trace dans la grande histoire du centre. Pour laisser derrière lui autre chose qu’un MoDem réduit à sa plus simple expression : 15 000 à 20000 adhérents aujourd’hui contre 50000 au moment de sa création. Quand il présidait l’UDF, il disposait encore de 29 députés en 2006. Le MoDem n’en a plus qu’un seul aujourd’hui…

La semaine dernière, « le Canard enchaîné » s’est du reste fait l’écho d’un marché que le centriste aurait passé avec Fillon lorsqu’ils se sont vus en tête-à-tête le 6 décembre dernier : l’obtention d’un certain nombre de circonscri­ptions contre son renoncemen­t à briguer l’Elysée ou la promesse de son ralliement entre les deux tours. « Purement et simplement de l’intox », jure le Béarnais. Vraiment ?

 ??  ?? Discours de François Bayrou pour clore l’université de rentrée de son parti à Guidel (Morbihan) le 25 septembre.
Discours de François Bayrou pour clore l’université de rentrée de son parti à Guidel (Morbihan) le 25 septembre.

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