La mode pour tous

par Sophie Fontanel

Vous l’aimez, vous, le mot « soldes » ? J’ai bu ou il est naze ? La vie est quand même crétine : le jour où on peut enfin acheter moins cher, c’est avec un mot sans lyrisme, et qui fait penser à la guerre et à l’argent. Ouais, à la guerre, parce que ça vient de « soulde », la solde des soldats. Et ouais à l’argent, parce que « soulde », ça vient de « sou ». Et c’est là que, surtout, ça merdouille. L’argent, l’argent, toujours l’argent. On ne nous prend pas assez par les grands sentiments. « Soldes » nous ramène au trivial alors qu’il devrait nous faire rêver. On le sait, bordel, que les soldes, c’est moins cher. Pas la peine de nous le seriner à tout bout de champ. Je vais vous dire : on sait même que toute chose soldée « nous » sera moins chère. On l’investira moins qu’un truc payé plein pot. C’est des mécanismes connus. Enfin, c’est ce qu’on nous a fichu dans le ciboulot. Mais ça pourrait être autrement. On ne devrait pas avoir le sentiment qu’on se contente des restes en achetant au rabais. Le prix, en descendant, devrait faire monter la valeur des fringues. Elles devraient sembler encore plus belles, et pas un truc défraîchi qu’on peut laisser par terre dans la boutique si ça glisse du cintre. Le sac devrait être encore plus beau. Attendez, les trucs soldés devraient être en séries limitées, numérotées. Ils devraient être millésimés. C’est souvent des choses que des « parvenus » ont dénigrées, c’est bon signe ! Ils les ont laissées passer, malgré tout leur pognon ! Et surtout, faudrait changer ce mot affreux. La Mode pour tous, vous vous en doutez, a déjà réfléchi à la chose. Vous trouverez sans doute mieux que moi, mais moi j’ai trouvé « magique ». On me dira : « Ton pull vient de chez Prada ?! Ah ben, tu t’emmerdes pas ! » Et je répondrai : « C’était magique ! » Pendant l’heure du déjeuner, le 11 janvier, premier jour des soldes, on dira « faire des tours de magies ». C’est déjà moins glauque la solditude, non ?