Taïa le combattant
CELUI QUI EST DIGNE D’ÊTRE AIMÉ, PAR ABDELLAH TAÏA, SEUIL, 136 P., 15 EUROS.
Ahmed écrit à sa mère, Malika, la « dictatrice », dure, sensuelle, infatigable, qui repose enfin puisqu’elle est morte. Vincent, l’amant français trop vite aimé dans un petit hôtel de Clichy, écrit à Ahmed, comme lui-même, cinq ans plus tôt, écrivait à Emmanuel, ce séduisant intellectuel rencontré un jour sur la plage de Salé. Il avait bouleversé sa vie en lui transfusant la langue et la culture françaises. Il l’avait poussé à renier une part de lui-même, enfant pauvre du Maroc, ami de Lahbib, petit voleur des rues. Et il était le dernier, dans le livre, à prendre la plume. Quatre lettres s’étalent dans le temps et disent, avec un talent poignant, la même douleur, la tristesse de l’exil, le traumatisme de la sujétion coloniale, les souffrances de l’amour d’un homme pour les hommes. Abdellah Taïa (photo), cinéaste, romancier, prix de Flore 2010, est un des rares écrivains du monde arabe à parler frontalement de son homosexualité et à intervenir dans le débat public avec courage pour défendre les droits des homosexuels menacés par le puritanisme religieux. Toute son oeuvre explore, avec douceur et force, les blessures intimes liées à cette identité et ce combat.