Chantons avec Chazelle
LA LA LAND, PAR DAMIEN CHAZELLE. COMÉDIE MUSICALE AMÉRICAINE, AVEC EMMA STONE, RYAN GOSLING, JOHN LEGEND, J. K. SIMMONS, ROSEMARIE DEWITT (2H08).
« City of stars, are you shining just for me? » A quand remonte la dernière fois où vous vous êtes surpris à siffloter la musique du film et à esquisser quelques pas de danse en sortant du cinéma, les yeux humides et le sourire aux lèvres ? Tel est le miracle « La La Land », qui ravive une émotion de spectateur qu’on croyait enterrée avec l’âge d’or des comédies musicales. On savait Damien Chazelle très doué depuis « Whiplash », on le découvre capable, dans un film tourné avec l’équivalent du budget coiffure d’un blockbuster Marvel, de redistribuer les cartes du spectacle hollywoodien. A l’image du Tarantino de « Pulp Fiction », qui est l’influence secrète de « La La Land ». Emma Stone (photo) s’y prénomme Mia – comme Uma Thurman dans le Tarantino – tandis que le carton « presented in Cinemascope » ouvrant le générique témoigne d’un fétichisme cinéphile digne du réalisateur de « Kill Bill ». Mia travaille comme serveuse et écume les auditions dans l’espoir de décrocher le rôle qui fera décoller sa carrière d’actrice. Sebastian (Ryan Gosling) pianote dans un bouiboui en rêvant du jour où il ouvrira son club de jazz. Ils se croisent, se séduisent, s’aiment mais leurs carrières n’évoluent pas au même rythme. Leur couple y survivratil ? Le sujet n’est pas neuf, il vient tout droit de « New York New York ». C’est l’autre miracle de « La La Land », nourri d’inspirations écrasantes – des classiques MGM de Vincente Minnelli ou Stanley Donen à leurs cousins français signés Jacques Demy – que Chazelle réinvente en les accommodant à son couple d’amoureux contemporains et à ses interrogations d’artiste au goût vintage. Mis au service d’un genre aussi artificiel que le musical, son souci d’authenticité et son sens du détail font des étincelles : quand ce n’est pas le pouls de la ville, c’est le frémissement intime des personnages qui semble dicter le tempo de chaque numéro. « La La Land » est un des surnoms de Hollywood. C’est aussi une promesse de chant, de joie et d’évasion. Or L.A. se révèle être une prison pour Mia et Sebastian, mais une prison à ciel ouvert, lequel, une fois par jour, à l’heure magique, vire au Technicolor. « La La Land » existe pour ces fugaces moments de grâce dans l’océan de désillusions qu’est cette vi(ll)e. Et pour faire une star d’Emma Stone, l Birdman » et « Magic in the Moonlight », ici prodigieuse. En revanche, le jeu monolithique de Ryan Gosling empêche le film à plusieurs reprises, notamment lors d’une scène de dîner, improvisée et sans musique, qui scelle l’avenir des deux amants. Seul bémol à cette irrésistible mélodie.