L'Obs

Et plus si affinités

- Par SOPHIE FONTANEL

Par ses euphorisan­ts contrastes, la semaine de la mode masculine à Milan (prêt-à-porter automne-hiver 2017-2018) nous donne une occasion inespérée de s’amuser un peu. On passe de la tenue la plus sobre aux accoutreme­nts extrêmes. Nous vous proposons donc une adaptation progressiv­e à cette mode délicieuse­ment schizophrè­ne. Ci-dessous le jeu suivant : « Deviens dément d’originalit­é en 12 jours ».

Jour 1 On commence donc ultra soft, sauf que c’est au-delà de l’air du temps, comme on dit, puisque c’est Miuccia PRADA qui le « dit ». Elle a pensé que nous étions arrivés à une sorte de neutralité en mode. Résultat (de son sublime défilé) : pantalon beige, pull gris, chemise bleu ciel. L’image que tout le monde a retenue ? Le BCBG du lycée. Et ça aurait un charme, tout soudain. Le BCBG porte même des sortes de Kickers. Mais bon, sa ceinture très large montre que Miuccia continue de fumer ses draps.

J2 On tente le costume, mais évidemment sans cravate. En revanche, costume tout ce qu’il y a de plus classique. Ça se passe chez FENDI. Le costume est gris souris, le mannequin ne sourit pas, lui. Il a de l’humour car il a un bandeau d’aérobic sur la tête, avec « Think » écrit dessus. Il lance cette mode. Ça va faire un sacré grabuge aux RH, ça, qu’un employé ose penser !

J3 On reste sur le costume. Pourtant, on lui ajoute ce qui promet d’être un peu LA touche capitale de l’année à venir : le col roulé blanc. Le col roulé noir, voyez-vous, fait un peu trop « ça va avec tout », alors que le blanc, en fait… bon, c’est pareil, mais en mieux. Me fais-je bien comprendre ? Notre préféré était chez ZEGNA. Retournez voir des photos de Jacques-Henri Lartigue en col roulé blanc si vous doutez.

J4 Journée cruciale où il faut mettre son sac à dos devant soi en plastron, comme un touriste parano. On a vu ça chez EMPORIO ARMANI, et le mannequin arrivait même à ce que ça ait un certain panache. Il paraît qu’il ne faut pas penser vieille dame, il faut penser cartouchiè­re de cow-boy, je dis ça au cas où il y aurait parmi nos lecteurs des gens pour qui les mots comptent (vous tous !).

J5 Lumière sur le tout-noir (pour causer « magazine féminin »), mais il y a un coeur sur le sweat. On est fous. Ce n’est évidemment pas un coeur rouge, vu qu’on est chez PORTS 1961. C’est un truc design si compliqué qu’on dirait la « Carte de Tendre » dessinée par Jean Nouvel. Les filles et les garçons vont poser des questions. On dira : « C’était J5, j’ai osé ça. »

J6 Tout étant très logique dans la vie, après le noir, on passe au blanc. Le manteau blanc est une sorte de mi-parcours du culot. D’abord parce que celui-ci (SALVATORE FERRAGAMO) est doublé de moumoute noire, et aussi parce que c’est tellement salissant ! On ne pourra plus se vautrer nulle part : ça, c’est Palace. Et palace = audace. Surtout par les temps qui courent.

J7 Passons de l’autre côté de la force en osant carrément être Sherlock Holmes. Vous verrez partout cet hiver ces imprimés écossais, prince-de-galles… Enfin, des tissus pas unis qui vous font vite sortir de l’ordinaire. Chez MISSONI, non seulement ce manteau divin mais aussi le chapeau de matelot qui va avec ! A la limite, rien que le chapeau tout seul… Allez, pour une présentati­on presse ! (Pour les tatillons qui demandent, oui, je pensais à une pres’ en extérieur).

J8 Eh, est-ce que ce serait pas pile le jour d’un jodhpur ? Non, non, n’ayez crainte, pas celui de Clemenceau, mais plutôt une sorte d’ovni qui pourrait (sur un malentendu) faire penser à un pantalon normal. On a vu ça chez DIESEL BLACK

GOLD. De toute manière, il faut vous habituer tout doucement à ces pantalons qui se resserrent en bas, il va y en avoir partout et même sur vous l’année prochaine. Ne dites pas non. Dites : « OK, on verra… »

J9 Et nous voici avec une option qui pourrait ne pas être dingo (ceinturer sa parka) sauf que chez VERSACE, la parka bouffe à fond les montgolfiè­res, et qu’on serre à fond la ceinture comme si on devait jouer une mante religieuse dans un docu de Jacques Perrin. Si c’est pas ceinturé à mort, c’est qu’on a tort.

J10 Et c’est parti pour le toboggan du culot avec un look Jackie Kennedy (le fichu années 1960 sur la tête) meets Audrey Hepburn (le petit jean « Two for the Road », film de Stanley Donen) meets Michael Jackson (chaussures noires avec socquettes blanches). Faut garder son sérieux (le mannequin y parvient pendant le show MSGM. Si vous êtes en train de vous dire « Moi vivant, ça jamais », un conseil : ne passez pas à J11.

J11 Eh eh, c’est la journée où on imagine qu’on est Thomas Pesquet dans l’espace en train de s’habiller dans le noir et avec toute la penderie en apesanteur aussi. On met un bonnet sur la casquette, le pull sur la doudoune et la chemise enroulée à la taille. Si c’est le jour où on va demander une augmentati­on : +100 points ! C’était par ailleurs très beau au défilé DSQUARED2.

J12 On finit en apothéose, non ? ! C’est dimanche matin, on sort du lit en pyjama et on passe des pantoufles, un manteau et on va acheter les croissants. Tout est normal. Sauf que le pyjama est en soie, marron et doré, les pantoufles sont des mules que même Dalida sur scène elle n’osait pas, et le manteau est une doudoune géante rebrodée façon tissu d’ameublemen­t. Ça vient de chez DOLCE & GABBANA.

J13 A , comme le Seigneur, on se repose. En attendant la semaine prochaine où nous rhabillero­ns les hommes politiques français avec les habits vus aux shows de Paris.

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