La route de la liberté
En Louisiane, deux fillettes, une Blanche et une Noire, grandissent durant la guerre de Sécession. Un beau roman de la Québécoise Dominique Fortier LA PORTE DU CIEL, PAR DOMINIQUE FORTIER, ÉDITIONS LES ESCALES, 254 P., 19,90 EUROS.
La guerre de Sécession reste la meilleure clé pour comprendre la société américaine et sa problématique raciale. Dans son troisième roman, la Québécoise Dominique Fortier aborde le sujet à travers les yeux de deux fillettes du même âge, élevées ensemble, mais que tout oppose. L’une, Eleanor, la fille du Dr McCoy, est blanche, l’autre, Eve, est noire. Le médecin a arraché la petite mulâtre à ses propriétaires qui la croyaient possédée par le démon. Cet homme du Sud n’a pas d’esclaves. Il se présente comme un humaniste et un libéral. Patriote avant tout, il n’a toutefois pas de position tranchée sur l’abolitionnisme. Chez lui, Eve a, dès lors, un statut des plus flous. Certes, elle n’est pas asservie, mais on ne la convie pas à la table des invités. Elle remplit une série de tâches domestiques, tandis qu’Eleanor rêve devant son miroir. Les échos de l’affrontement entre l’Union et la Confédération ne leur parviennent que par bribes. Lors d’un recensement national, Eve apprend qu’elle compte pour trois cinquièmes d’une personne libre. Eleanor, elle, ne se pose guère de questions. Par sa condition, elle est promise à un beau mariage. La demoiselle, férue de romans d’amour et d’aventures, le voit comme une émancipation. Mais qu’adviendra-t-il d’Eve ?
Ce livre à l’écriture nette et précise se lit avec aisance même s’il évolue avec une certaine lenteur. Le texte est en effet entrecoupé de digressions didactiques sur l’évolution des Etats-Unis ou sur l’artisanat de la courtepointe. Des couvertures patchworks qui deviennent ici le symbole même de l’Amérique, assemblage disparate d’Etats, de peuples et de coutumes. Ces descriptions lui permettent de maintenir un suspense jusqu’au bout du drame et de ce difficile chemin vers la liberté, celle de la communauté noire, celle de deux jeunes filles plombées par les traditions et les préjugés. Ce chemin, Dominique Fortier le compare à un labyrinthe dont on n’émerge qu’après une série d’errements et après avoir inventé son propre parcours. Si l’on en sort.