L'Obs

MOONLIGHT PAR BARRY JENKINS

- NICOLAS SCHALLER

Drame américain, avec Alex R. Hibbert, Ashton Sanders, Trevante Rhodes (1h51).

C’est l’histoire de Little, Chiron et Black. Un prénom et deux surnoms pour un même personnage de gamin solitaire d’un quartier défavorisé de Miami, raconté à trois âges (enfant, ado et jeune adulte). Délaissé par sa mère dépendante au crack et élevé par le dealer du coin, il s’ouvre douloureus­ement à son homosexual­ité. Ce film est une claque, à triple détente. On se croit d’abord face à une chronique du ghetto type « Boyz N the Hood », on craint le virage mélo doloriste façon « Precious ». Or, c’est vers une déchirante romance homo, un « In the Mood for Love » gay que le cinéaste nous entraîne. Barry Jenkins s’attaque au tabou de l’homosexual­ité dans la communauté black et dans la culture gangsta avec une sagacité et une délicatess­e à côté desquelles les quelques afféteries de sa mise en scène ne comptent guère. Depuis la scène de la serviette dans « Julieta » d’Almodóvar, on n’a pas vu d’ellipse plus forte que celle qui relie les deux derniers actes du film et les corps des acteurs qui interprète­nt Chiron : sa métamorpho­se physique, de frêle adolescent à jumeau de 50 Cent, dit mieux que n’importe quel discours le jeu du déterminis­me social et du refoulemen­t identitair­e. Golden Globe du meilleur drame, « Moonlight » pourrait créer la surprise aux Oscars.

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