LA FACE CACHÉE DU FN
Emplois fictifs, réseaux occultes, promesses économiques irréalisables… Le Front national avance masqué. Quel est le vrai visage de la formation frontiste? Quels sont ses soutiens dans la haute fonction publique? Comment le FN a-t-il détourné l’argent de l’Europe? « L’Obs » a conduit une vaste enquête de 30 pages au coeur du parti devenu le premier de France
Comment parler du FN? La question, aussi vieille que la poussée des Le Pen en France, oscille au rythme d’un mouvement de balancier. On a d’abord dénoncé, alerté, diabolisé. Trop? L’indignation en tout cas a été vaine. Alors, on a cherché à comprendre. Pourquoi une partie de l’électorat avait basculé à l’extrême droite, pourquoi les classes populaires, les ouvriers, les Français les plus vulnérables avaient tourné le dos à la gauche, et pourquoi les partis traditionnels étaient devenus inaudibles… Il fallait comprendre. Il faut continuer à le faire. Mais, dans le même temps, le FN a réussi à s’installer dans le paysage. Et à force de ne plus jeter l’opprobre (puisqu’elle serait inefficace), on a fini par supporter de ce parti ce que l’on n’accepterait d’aucun autre : un degré de malversation rarement atteint dans l’histoire politique !
Cette malhonnêteté est une réalité avérée, un fait établi mais cette réalité et ces faits glissent sur le FN comme l’eau sur les plumes d’un canard. Dans notre monde ultramédiatisé et surinformé, certaines vérités et faits n’« impriment » pas (et ce n’est sans doute pas un hasard si ce déni est aussi àl’ oeuvre de l’ autre côté de l’ Atlantique, pour le plus grand profit de Donald Trump). Ainsi, en dépit de multiples procédures judiciaires ou parlementaires diligentées contre lui, le parti frontiste conserve l’image d’une formation politique miraculeusement épargnée par les affaires. Si cette arnaque, cette incroyable distorsion du réel perdure, c’est parce que l’adhésion aux thèses lepénistes relève de la passion et du désespoir, plus que de la raison. Doit-on pour autant renoncer? Certainement pas. Alors, osons! Oui, le FN est un parti mouillé jusqu’au cou dans des scandales multiples. Et, oui, en proportion de son petit nombre d’élus, il bat tous les records de la République. Le parti antisystème se nourrit du système. Aujourd’hui, le Parlement européen lui réclame, comme le dévoile Caroline Michel (voir pages suivantes), plus d’un million d’euros d’argent public! L’argent de nos impôts. Des sommes englouties par une brigade d’assistants parlementaires fictifs. Dans un autre dossier – le financement de la campagne présidentielle de 2012 –, le parti lui-même, son vice-président et son trésorier sont poursuivis pour des détournements conséquents. Marine Le Pen, est, elle, empêtrée dans une enquête parlementaire après avoir sous-estimé sa déclaration de patrimoine auprès des Français. Quant à son père, il est mis en cause pour avoir dissimulé une partie de son pactole en Suisse! Pour un peu, François Fillon, son épouse Penelope et Jérôme Cahuzac feraient figure d’enfants de choeur. Voilà donc le vrai visage du FN, parti de la triche devenu le premier parti de France, et dont l’influence croît à chaque scrutin.