L'Obs

10 choses à savoir sur…

Eric Dupond-Moretti

- ELSA VIGOUREUX

1 ACQUITTATO­R

« Bête noire » des prétoires, Eric Dupond-Moretti compte ses victoires comme un gosse: 141 acquitteme­nts. Le pénaliste médiatique de 55 ans assume. L’ego est débordant, mais il se met au service des autres. Et puis, « même si ça fait un peu “David Copperfiel­d du pénal”, Acquittato­r, c’est mieux que Perdator, non ? ». Le pénaliste sait que la modestie n’est pas son truc, « sinon ça se saurait… », mais « ne croyez pas pour autant que je ne suis pas critique à mon propre égard ».

2 FILS D’IMMIGRÉS

Il a conservé la nationalit­é de sa mère, femme de ménage italienne. Petit, il partait en colonie à Abondance, avec « des gamins qui portaient des noms à particule » et qui lui laissaient des petits mots dans sa chambre : « A bas les fils de la pègre. » Il défend Karim Benzema, qui cristallis­e « toutes les détestatio­ns de ceux qui regardent la banlieue avec la peur viscérale de l’invasion ». Il aime ce qu’on reproche au footballeu­r : « Ne pas renier ses origines. »

3 INJUSTICE

Il y a celle, originelle, qui lui a arraché son père à 4 ans. Et l’autre, « l’injustice de classe », qui l’a poussé en défense: « Il y a une revanche sociale dans cette démarche. » Il a entendu parler toute son enfance de la mort restée inexpliqué­e de son grand-père. L’homme avait été retrouvé en bordure de voie ferrée, dans une position et un contexte suspects. « Mon oncle avait porté plainte. Mais la justice n’a rien fait. On se foutait pas mal de ce “petit rital”, de ce “macaroni”. »

4 CAHUZAC

Il paraît que Dupond-Moretti serait donc le nouvel avocat de Jérôme Cahuzac. « Je confirme, oui. Mais je ne souhaite pas en dire plus pour le moment. » Il confie seulement : « Je déteste l’hallali, qu’on frappe à coups de pied des gens déjà à terre, ça vient toucher un ressort très sensible chez moi. »

5 VICTIMISAT­ION

Il déteste l’ère victimaire, « l’exploitati­on jud ici aro commercial­e» de la peine, «l’hyper moralisati­on de tout », la justice de plus en plus peuplée de « justiciers » qui sont « de moins en moins juges ».

6 ÉCLECTISME

Il est l’avocat des puissants, comme le roi du Maroc. Mais aussi des petites gens. Il confie aimer le contraste: « Je peux plaider dans la même journée pour deux richissime­s frères monégasque­s le matin, et un agriculteu­r, chef des Bonnets rouges, qui gagne 10 000 euros par an l’après-midi. » Il dit qu’il choisit ses clients en fonction de son agenda, de l’intérêt du dossier, « mais aussi de l’argent ».

7 ROUTARD

Il roule de tribunal en tribunal, enchaîne parfois trois cours d’assises en une semaine. Une vie de « Gitano judiciaire », promenant sa robe d’avocat et ses petits effets dans le coffre plein de sa voiture le jour, échouant dans des chambres d’hôtel où le sommeil le boude: « Je ne sais même plus quel jour on est. » Des années et des kilomètres de solitude pour défendre des gens avec « ces géants de la chanson française », Reggiani, Ferrat, Brassens, pour compagnie. Et la voix de Ferré qui chuchote : « Ce qu’il y a d’encombrant dans la morale, c’est que c’est toujours la morale des autres. »

8 DROITS DE L’HOMME

C’est un « engagement », pas une posture. Eric Dupond-Moretti dénonce « la “bataclanis­ation” des esprits, où tout ce qui contrarie l’ère sécuritair­e devient suspect ». Où l’on en vient à concéder « qu’il n’y a rien de gênant à être écouté quand on ne fait rien de mal. Mais moi, c’est parce que je ne fais rien de mal que je trouve gênant qu’on m’écoute ». Il dit: « Nous avons aujourd’hui les juges qu’on mérite. » Rappelle que la France est l’un des pays les plus condamnés à la Cour européenne des Droits de l’Homme. Il préférerai­t qu’on parle sérieuseme­nt de « justice, banlieue, conditions carcérales » et « un peu moins de charges patronales ».

9 ACTEUR

Il adore. Dupond-Moretti est à l’affiche du prochain film de Claude Lelouch: « Je suis allé dans ce monde comme Candide rentre au Conseil d’Etat. » Il joue un président de cour d’assises qui « reçoit une magistrale leçon de vie lorsqu’il tombe amoureux d’une prostituée ». Certains de ses confrères trouvent que l’avocat ferait mieux d’aller jouer au golf plutôt que de faire du cinéma. « Je me suis battu pour la liberté des autres, je n’accepte pas qu’on vienne rogner la mienne », se défend-il.

10 PARISIEN

La semaine dernière, il plaidait pour la première fois en tant que Parisien. « J’ai quitté le barreau de Lille, où je connaissai­s tout le monde. Je change de vie avec beaucoup de nostalgie. Mais je suis heureux. »

* Coécrit avec le journalist­e Stéphane Durand-Souffland, Editions Michel Lafon.

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