Trop bon
Noblesse de la viande maturée
Entrecôte Holstein quatre semaines, côte de blonde de Galice soixante-quinze jours… Pas une carte de restaurant, désormais, qui n’accole une durée plus ou moins longue au nom des pièces de viande rouge servies grillées. Apanage de quelques bouchers et de tables triées sur le volet il y a quelques mois encore, la viande maturée est maintenant partout. De quoi parle-t-on ? De laisser vieillir les quartiers de boeuf en chambre froide spéciale pour que les chairs s’attendrissent et gagnent un goût plus affirmé. « Le gras pénètre alors dans la viande et lui donne cette saveur incroyable de noisette, douce, légèrement sucrée qu’on pourrait rapprocher de l’“umami”, ce cinquième goût défini par les Japonais », explique Yves-Marie Le Bourdonnec, pionnier de la maturation en France et star de sa profession. Quand il commence à « oublier » des carcasses dans sa boucherie d’Asnières au début des années 1990, comme il l’a vu faire dans les pays anglo-saxons, on le regarde avec des yeux ronds. Aujourd’hui, on retrouve des vitrines de viande maturée jusque dans certaines grandes surfaces.
Mais attention, on ne mature pas n’importe quoi, n’importe comment. La technique est réservée aux animaux adultes et aux pièces nobles et riches en gras issues de l’arrière de la bête. Quarante jours, cent jours, plusieurs années (!), le temps de maturation dépend de l’âge et du taux de graisse de l’animal. « Mais il serait stupide d’aller toujours plus loin, le but n’est pas d’avoir de la viande faisandée », s’agace Franck Metzger, qui fournit restaurateurs et particuliers dans ses boucheries de Neuilly et BoulogneBillancourt. Surtout, la maturation n’est pas une baguette magique. « S’il suffisait de faire vieillir de la viande de merde pour sortir un lingot d’or, ça se saurait », poursuit Franck Metzger. Sans aller jusqu’au lingot, s’offrir le luxe de la viande maturée a un coût, justifié notamment par la perte de matière subie au cours du processus. A la manière d’un diamant brut qu’il faut tailler.