Gare aux débouchés !
Une double compétence et une solide capacité d’entreprendre sont indispensables pour débuter
“Quand j’arrive pour un forum des métiers dans un lycée, les jeunes me foncent dessus, mais aujourd’hui je ne me sens plus très à l’aise pour leur parler du métier... », soupire Emmanuelle, rédactrice dans un hebdomadaire. Que dire en effet aux aspirants reporters à l’heure où la presse écrite, principale pourvoyeuse d’emplois, multiplie les plans de départs et où le web peine à trouver un modèle économique? « Depuis 2010, le nombre de détenteurs de la carte de presse diminue de presque 1 000 par an », rappelle Julia Cagé, professeur d’économie à Sciences-Po. « Quelques médias résistent néanmoins », précise-t-elle, en citant Mediapart, RMC et BFM, mais en insistant sur la « précarisation croissante ». Et pour débuter, il faut sortir du lot. « Avoir une plume ou être un bon enquêteur ne suffit pas, affirme Julie Joly, directrice du CFJ à Paris. Les jeunes doivent être capables d’apporter des idées, de servir un projet, autrement dit de se montrer entrepreneur. » Tel a été le pari de Charles-Henry Groult : diplômé en 2013, il refuse un CDI au Figaro.fr pour fonder le site Le Quatre Heures, avec un parti pris de reportages au long cours. « Je me suis dit que, si je ne prenais pas de risque maintenant, je ne le ferais jamais. » En parallèle, ce passionné de vidéo réalise documentaires et émissions en ligne pour Arte et France Télévisions. Recruté en CDD au « Monde » pour « créer de nouveaux formats pour le web », il espère transformer l’essai.
Sa spécificité, Iñaki Ponce Nazabal l’a, lui, forgée à travers un parcours atypique : après un master 1 de philosophie, désireux de percer dans le microsecteur de l’édition, il s’est inscrit en BTS fabrication du livre, puis en M2 édition à Paris-XIII, axé sur la gestion de projet, l’achat de droits, le marketing. « Mon bagage à la fois culturel et technique m’a aidé à décrocher un CDI dans le groupe La Martinière, estime le jeune assistant d’édition. Je suis la fabrication d’un livre, de la relecture des épreuves jusqu’à l’impression, en coordination avec les correcteurs, les graphistes et l’auteur. »
Pour les traducteurs, la concurrence est aussi très forte. « Ceux qui réussissent le mieux sont spécialisés », observe Helen Sontag, directrice du master traduction professionnelle de l’université de Strasbourg. Il peut s’agir du droit, de la littérature ou des télécommunications, mais aussi de la post-édition, nouveau métier qui consiste à corriger les traductions automatiques. Signe, selon l’enseignante, que, « quoi qu’on en dise, les robots ne vont pas remplacer l’être humain ».