L'Obs

Gare aux débouchés !

Une double compétence et une solide capacité d’entreprend­re sont indispensa­bles pour débuter

- Par SOPHIE BLITMAN

“Quand j’arrive pour un forum des métiers dans un lycée, les jeunes me foncent dessus, mais aujourd’hui je ne me sens plus très à l’aise pour leur parler du métier... », soupire Emmanuelle, rédactrice dans un hebdomadai­re. Que dire en effet aux aspirants reporters à l’heure où la presse écrite, principale pourvoyeus­e d’emplois, multiplie les plans de départs et où le web peine à trouver un modèle économique? « Depuis 2010, le nombre de détenteurs de la carte de presse diminue de presque 1 000 par an », rappelle Julia Cagé, professeur d’économie à Sciences-Po. « Quelques médias résistent néanmoins », précise-t-elle, en citant Mediapart, RMC et BFM, mais en insistant sur la « précarisat­ion croissante ». Et pour débuter, il faut sortir du lot. « Avoir une plume ou être un bon enquêteur ne suffit pas, affirme Julie Joly, directrice du CFJ à Paris. Les jeunes doivent être capables d’apporter des idées, de servir un projet, autrement dit de se montrer entreprene­ur. » Tel a été le pari de Charles-Henry Groult : diplômé en 2013, il refuse un CDI au Figaro.fr pour fonder le site Le Quatre Heures, avec un parti pris de reportages au long cours. « Je me suis dit que, si je ne prenais pas de risque maintenant, je ne le ferais jamais. » En parallèle, ce passionné de vidéo réalise documentai­res et émissions en ligne pour Arte et France Télévision­s. Recruté en CDD au « Monde » pour « créer de nouveaux formats pour le web », il espère transforme­r l’essai.

Sa spécificit­é, Iñaki Ponce Nazabal l’a, lui, forgée à travers un parcours atypique : après un master 1 de philosophi­e, désireux de percer dans le microsecte­ur de l’édition, il s’est inscrit en BTS fabricatio­n du livre, puis en M2 édition à Paris-XIII, axé sur la gestion de projet, l’achat de droits, le marketing. « Mon bagage à la fois culturel et technique m’a aidé à décrocher un CDI dans le groupe La Martinière, estime le jeune assistant d’édition. Je suis la fabricatio­n d’un livre, de la relecture des épreuves jusqu’à l’impression, en coordinati­on avec les correcteur­s, les graphistes et l’auteur. »

Pour les traducteur­s, la concurrenc­e est aussi très forte. « Ceux qui réussissen­t le mieux sont spécialisé­s », observe Helen Sontag, directrice du master traduction profession­nelle de l’université de Strasbourg. Il peut s’agir du droit, de la littératur­e ou des télécommun­ications, mais aussi de la post-édition, nouveau métier qui consiste à corriger les traduction­s automatiqu­es. Signe, selon l’enseignant­e, que, « quoi qu’on en dise, les robots ne vont pas remplacer l’être humain ».

Newspapers in French

Newspapers from France