L'Obs

Bourre-pif à la mexicaine

GABACHO, PAR AURA XILONEN, TRADUIT DE L’ESPAGNOL (MEXIQUE) PAR JULIA CHARDAVOIN­E, LIANA LEVI, 360 P., 22 EUROS.

- DIDIER JACOB

S’ils avaient pu lire « Gabacho », la dernière bombe d’une jeune romancière mexicaine, Céline aurait peut-être décidé de faire des confitures, et Françoise Sagan, du tricot. Avec une pêche folle et un talent pour le dialogue digne du meilleur Michel Audiard (il faut saluer l’extraordin­aire travail de traduction de Julia Chardavoin­e), « Gabacho » raconte la vie sans joie d’un petit voyou dans la jungle urbaine du sud des Etats-Unis. Sa spécialité ? Prendre des beignes, et en donner. D’avoir traversé à la nage le Rio Grande pour rejoindre l’Amérique (route bien connue des migrants désespérés qui tentent leur chance même s’ils savent qu’ils vont sans doute y rester) et d’avoir survécu ensuite aux terribles brûlures d’un soleil sans pitié l’ont peut-être immunisé contre les raclées en tous genres. Liborio (c’est le jeune homme) est un dur. Mais son coeur est des plus tendres. Un caramel mou. Employé dans la modeste librairie d’une petite ville où il s’est clandestin­ement installé, Liborio aperçoit un jour une « gisquette » se faire emmerder, de l’autre côté de la rue, par un « crevard » à la main baladeuse. Aussitôt, il sort de son échoppe et, animé des pires intentions tel James Cagney dans un film de gangsters, s’en va distribuer des droites au petit bonheur la chance. « Bim! Bam! Boum! Et que je lui pète les dents jusqu’à ce qu’il ait le nez dans son sirop, rouge, bien épais. » Problème, Liborio se fait rosser à son tour par des crevards en plus grand nombre, puis se prend une dérouillée quand des flics, essayant de lui extorquer ses économies, lui tombent dessus dans un jardin public. Vous croyez peut-être qu’Aura Xilonen (photo, l’auteur est une romancière d’à peine plus de 20 ans dont le livre a mis tout le monde KO à la Foire de Francfort) va en rester là, côté bourre-pif? C’est mal connaître le sang mexicain. Car Liborio a une botte secrète, et il aime s’en servir : le coup de pied dans les couilles. C’est ainsi qu’il réussit à péter la gueule, dans une scène irrésistib­le de drôlerie, à un boxeur profession­nel pour lequel il était censé servir de punching-ball. Après une première partie menée tambour battant, le roman s’essouffle, et l’amour de Liborio pour la gisquette du début, formidable quand le roman commence, finit par tourner en rond. N’importe. Rien ne ressemble à « Gabacho », sauf peut-être « Los Olvidados » de Buñuel, l’humour en plus. Si vous vous plongez dans ce roman fou furieux, attendez-vous à ce que la première torgnolée soit pour vous.

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