Et au milieu coulent les acteurs
INTÉRIEUR, DE MAURICE MAETERLINCK. JUSQU’AU 5 MARS, STUDIO-THÉÂTRE DE LA COMÉDIE-FRANÇAISE, PARIS-1ER, RENS. : 01-44-58-98-58.
Ni le vieillard ni l’étranger qui l’escorte ne se décident à toquer à la porte de la maison. C’est qu’ils voient la famille par la fenêtre. Le père, la mère et deux des filles, loin de se douter du malheur qui va s’abattre sur eux. La troisième fille s’est noyée dans la rivière. Comment se résoudre à les plonger tous dans le deuil? Tant que le messager n’a pas prononcé les mots funestes, la tragédie reste en suspens, le temps des larmes viendra bien assez tôt… Elle est d’une beauté renversante, cette courte pièce que Maeterlinck destinait a priori à des marionnettes. De la prose simple, limpide, sans mots soi-disant poétiques, sans constructions emberlificotées. Elle s’écoule comme la rivière, avec la force de l’évidence. Bravo à la scénographie de Marc Lainé, aux estampes de Stephan Zimmerli et aux vidéos de Richard Le Bihan : leur mélancolie épouse parfaitement celle de Maeterlinck. Hélas! Pourquoi faut-il que Nâzim Boudjenah, qui met en scène, ralentisse à ce point le mouvement ? Les acteurs prennent entre chaque mot des temps interminables. Sous prétexte de jouer les vieillards, Thierry Hancisse (ci-contre, au fond) adopte une petite voix chevrotante tout à fait ridicule. Boudjenah croit-il qu’il faut jouer Maeterlinck « poétique », c’est-à-dire chanter un peu en parlant? Grave erreur. Comme pour Claudel, né du courant symboliste lui aussi, l’interprète doit au contraire rester furieusement concret. Ce n’est pas à l’acteur, c’est à l’auteur de faire la part des anges.