L'Obs

LUI PRÉSIDENT?

SES CONFIDENCE­S à JÉRÔME GARCIN

- Par MARCEL GAUCHET et MICHEL ONFRAY

C’est l’homme qu’on attend… au tournant. Séduits depuis des mois par son charisme, son talent et son lyrisme, les électeurs potentiels d’Emmanuel Macron veulent aujourd’hui en savoir plus. Longtemps, l’ancien ministre de l’Economie a ratissé large et imposé son tempo. Le voilà désormais contraint de préciser sa vision, de clarifier son projet, de modifier son calendrier. Obligé de prendre en compte les interrogat­ions qui montent de toutes parts.

A trop cultiver l’ambiguïté pour ne fâcher personne, à trop jouer un « ni oui ni non » très normand, Macron le Picard mesure aujourd’hui les limites de cette stratégie. Après avoir conquis les coeurs, il a pris le risque d’inquiéter, de remettre à l’honneur la formule de Martine Aubry : « Quand c’est flou, il y a un loup. » Interrogat­ion ravivée par ses récents propos sur l’écologie. Il n’est « pas favorable » à l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes mais « on ne déchire pas une consultati­on publique », autrement dit les résultats du référendum en faveur de ce projet. Comprenne qui pourra. Bien malin aussi celui qui s’y retrouvera dans ses positions sur les OGM ou le gaz de schiste. Il a aussi semblé changer d’avis sur le statut de la fonction publique, les 35 heures et l’ISF.

De quoi Emmanuel Macron est-il le nom? Il le dit depuis longtemps, il n’est « pas socialiste », mais « progressis­te ». Encore faut-il s’accorder sur la définition du progrès, idée longtemps perçue comme positive et associée à la gauche, mais aujourd’hui contestée (voir le débat entre Marcel Gauchet et Michel Onfray p. 26). Il s’a rme « de gauche », mais ne rejette pas la droite. Une chose est sûre : c’est un libéral. Jusqu’où? L’ancien banquier semble le mieux placé pour apporter des solutions limitant les excès du jeu de la finance. Mais on ne sait s’il se résout à l’accompagne­r ou s’il veut le combattre. Macron fait le pari de l’optimisme en toutes choses, au risque de paraître les subir. Ne serait-il qu’un spectateur désengagé du monde tel qu’il va ?

L’ancien ministre de l’Economie est aujourd’hui sur une ligne de crête. Son destin dépend de sa capacité à surmonter ces contradict­ions. Pas facile. Il faut se garder à gauche et convaincre à droite. A l’heure où François Fillon trébuche, la logique voudrait qu’il multiplie les signes en direction de ses électeurs. C’est sans doute ainsi qu’il faut interpréte­r son clin d’oeil aux catholique­s dans l’entretien qu’il accorde cette semaine à Jérôme Garcin (voir p. 37).

Emmanuel Macron a compris très tôt que François Hollande ne pouvait pas être réélu. Il a fait preuve d’instinct et de courage. Il est subtil, talentueux et cultivé. Ces qualités façonnent indubitabl­ement un personnage. En font-elles un président de la République ?

 ??  ??
 ??  ??
 ??  ?? Photomonta­ge d’Emmanuel Macron inspiré du portrait officiel de Valéry Giscard d’Estaing (1974) par Jacques Henri Lartigue.
Photomonta­ge d’Emmanuel Macron inspiré du portrait officiel de Valéry Giscard d’Estaing (1974) par Jacques Henri Lartigue.

Newspapers in French

Newspapers from France