On en parle Quoi ma gueule? Le make-up pour homme
Le maquillage peut-il changer de genre ? Alors que chez les femmes la tendance est au #nomakeup, les marques de cosmétiques veulent investir le filon des garçons. Le mois dernier, Gemey Maybelline a, une première en quatrevingt-cinq ans, choisi une égérie masculine. Manny Gutierrez a 25 ans, des yeux de biche, une bouche pulpeuse, des sourcils éloquents et du poil au menton. Une vague ressemblance avec Conchita Wurst et des propos forcément contre les « genres hétéro-normés ». Le jeune maquilleur, originaire de San Diego, élevé dans une famille mormone très pieuse, confesse avoir dû suivre à l’âge de 17 ans une « thérapie pour inverser les e ets » de son homosexualité, avant de renoncer à ses études de médecine pour se consacrer à sa passion. La suite: 3,2 millions d’abonnés sur Instagram, 2,3 millions sur sa chaîne YouTube (MannyMua) et un juteux contrat d’égérie pour le mascara Big Shot.
Fin janvier, Rimmel London a choisi un autre « male beauty blogger » pour sa nouvelle campagne publicitaire: Lewys Ball, 17 ans (il en fait quatre de moins), un visage d’ange androgyne, est le millenial idéal pour incarner le nouveau slogan de la marque : « Anybody can wear makeup, non matter who you are » (« Tout le monde peut se maquiller, peu importe qui vous êtes »). Aux Etats-Unis, la marque de cosmétiques Cover Girl avait déjà opté en octobre dernier pour un jeune ambassadeur au profil similaire, James Charles (17 ans aussi), piercing nasal, taches de rousseur dessinées et noir à lèvres.
L’ambivalence vaguement sulfureuse de ces égéries d’un nouveau genre plaît aux internautes autant qu’elle les révulse, alimentant le cercle vertueux de leur popularité et l’intérêt des marques. En France, Richard (@Richaard2609), 21 ans, a intégré le « BeautyTube » de L’Oréal, une sorte d’académie pour apprentis youtubeurs de la beauté. Dans l’une de ses vidéos adressées à ses haters, ces trolls aux méchants commentaires, il prédit l’avènement d’une nouvelle masculinité, libérée du poids des conventions : « Coco Chanel a voulu voir la femme autrement [...]. Pourquoi on ne peut pas voir l’homme autrement ? Si un homme veut se maquiller, c’est son droit, où est le mal ? Et si une femme ne veut pas se maquiller, c’est son droit, où est le mal ? » Si certains youtubeurs, comme les artistes Patrick Starrr ou Wayne Goss, assument à fond leur côté diva et ladyboy, d’autres, comme Nicholas Patrick ou Jake Jamie Ward (The Beauty Boy), proposent un maquillage discret et naturel plus adapté à la vie de bureau.
Une tendance émergente dans le marché des cosmétiques, avec des gri es de maquillage spécialisées, telles que Mmuk Man, fondée en 2011, qui a élaboré des anticernes, fonds de teint et mascaras transparents dédiés aux hommes. Son créateur, Alex Dalley, un jeune entrepreneur de 27 ans originaire de Brighton, aime bien raconter qu’ado il piquait le fond de teint de sa mère pour cacher ses boutons. Sa marque, après avoir conquis le Royaume-Uni (1 million d’euros de chi re d’a aires en 2015), est partie à la conquête de New York. Si pour l’instant 30% de ses clients « n’assument pas encore de voir leur nom inscrit sur nos colis », il a rme que « le train pour le changement est en marche ». Une mode qui n’a pas échappé aux géants des cosmétiques et qui sont prêts à investir beaucoup pour le « maquillage dédié à la diversité ». Dopé par la mode des selfies et des tutos consommés en masse par les digital natives (18 à 25 ans), le marché de la beauté a été évalué par le « Financial Times » à près de 50 milliards de dollars (46 milliards d’euros).