Aller simple Retour à Gdańsk, la perle de la Baltique
La “perle de la Baltique” a derrière elle une histoire longue, colorée et passionnante
Rien n’est plus agréable, dans le tourisme, que les préjugés. Il n’y a pas de plus grand plaisir pour un voyageur que de les faire exploser en vol. Prenez Gdańsk. Pour la plupart des Occidentaux, la ville, figée à jamais dans le gris des années communistes, se résume à la moustache de Walesa et aux grues rouillées de chantiers navals en grève. Envoyez les mêmes se promener entre les façades peintes d’un centreville riant et empli de badauds, et vous verrez le résultat. Non, Gdańsk ne se limite pas aux luttes des années de grisaille.
Ne remonte-t-elle pas à l’Antiquité ? C’est ce qu’on découvre en commençant la balade au Musée de l’Ambre, que l’on trouve derrière la belle porte dorée, qui ferme la vieille ville. Il y a plus de deux millénaires, l’endroit tirait sa richesse du trafic de la précieuse résine fossile récoltée sur les plages de la Baltique, et que l’on vendait aux Grecs et aux Romains. En avançant de 100 mètres vers Ulica Dluga (la « rue longue »), l’artère principale aux maisons multicolores, nous nous retrouvons quelque part entre le xve et le xviie siècles, à l’âge d’or. Peuplée d’Allemands depuis le temps des chevaliers Teutoniques, la ville, placée à l’embouchure de la Vistule, doit sa prospérité au commerce des céréales que l’on décharge sur les quais par une grue, que l’on admire toujours. Quelques somptueux palais, l’hôtel de ville et la cour Artus, où venaient se retrouver les confréries de marchands, témoignent de cette grandeur passée.
A la fin du xviiie siècle, les temps se gâtent pour la Pologne. Partagé entre ses puissants voisins, le pays disparaît de la carte. Gdańsk devient Dantzig, une ville prussienne puis, quand la Pologne renaît, en 1918, elle hérite d’un statut délicat : les vainqueurs en font une « ville libre », gérée par la Société des Nations. Les Polonais qui, grâce au couloir de Dantzig – une bande de terre qui coupe la Prusse –, ont accès à la mer, sont obligés de bâtir à côté un port rival, Gdynia, qu’on ira voir. Si le temps est beau, on ira aussi à Sopot, muni de son maillot de bain. La troisième des cités de ce trio urbain appelée la « triville » est la station balnéaire. Son immense jetéepromenade et son fringant Grand Hôtel lui donnent un charme proustien.
Au retour, on passera se recueillir sur le Westerplatte. La presqu’île servait de dépôt militaire aux Polonais. En ordonnant son bombardement, à l’aube du 1er septembre 1939, Hitler déclencha la Seconde Guerre mondiale. Une horreur pour le pays, une tragédie pour la ville, dont il ne reste, en 1945, que ruines et cendres. Il faudra des années pour la reconstruire, pierre après pierre. Nous revoici de retour à l’époque communiste. C’est aussi celle de la lutte contre le totalitarisme. Elle commença ici, par des grèves fameuses et se poursuivit avec l’épopée de Solidarność. Le Centre européen de Solidarité, un musée construit à l’endroit même des chantiers navals où eurent lieu ces combats, les raconte avec pédagogie. On n’en ratera pas la visite.