Un marché de l’art très occupé
DES GALERIES D’ART SOUS L’OCCUPATION. JUSQU’AU 11 MARS, GALERIE FRANK ELBAZ, PARIS-3E, RENS. : 01-48-87-50-04.
Voici une exposition rare dans une galerie parisienne. Il ne s’agit pas ici de présenter les créations récentes d’un artiste, mais de mettre au jour un pan largement occulté de la mémoire du marché de l’art. L’historienne Emmanuelle Polack a rassemblé photographies, lettres, documents, revues et extraits de films pour évoquer entre autres le destin durant l’Occupation de trois galeries parisiennes (Paul-Rosenberg, René-Gimpel, Zak), dont les propriétaires, parce qu’ils étaient juifs, durent cesser leur activité, deux d’entre eux étant assassinés dans les camps de la mort. Les oeuvres dont ils étaient propriétaires furent spoliées, nombre d’entre elles n’ayant toujours pas été retrouvées à ce jour. L’exposition vient rappeler aussi que cette période fut le théâtre d’un extraordinaire développement du marché des ventes publiques parisiennes, les acheteurs de l’époque se montrant peu regardant sur la provenance des lots mis aux enchères. Une photographie (ci-dessus) prise à l’entrée d’un hôtel des ventes parisiens (Drouot) est éloquente : une affichette manuscrite proclame que l’entrée des lieux est interdite aux juifs « d’une manière absolue ». « Absolue », comme si l’interdiction ellemême, assortie de toute la panoplie des lois antijuives, ne suffisait pas. Pour Emmanuelle Polack comme pour Frank Elbaz, cette expo ne tient cependant pas lieu de procès : elle entend montrer, à travers des documents, ce que fut la réalité d’un certain marché de l’art durant l’Occupation. On sait que ce chapitre est loin d’être clos, la récente affaire Gurlitt étant venue rappeler le rôle essentiel joué par les marchands et certains commissaires-priseurs lorsque Paris vivait sous la botte nazie.