L'Obs

HUMEUR

- Par JÉRÔME GARCIN

Où l’on apprend que, à l’Elysée, Nicolas Sarkozy avait une maquilleus­e à plein temps, payée comme une énarque, et que François Hollande en a également une, empruntée à Brice Hortefeux. Car un président se doit d’être « fardé du matin au soir, tout pour la com et la presse ». La politique aujourd’hui, c’est le ravalement permanent : photos retouchées, bouches botoxées et, comme à Versailles, têtes poudrées et perruquées. Où l’on croise aussi bien Stéphane Fouks, « ancien rocardien et fils spirituel de Séguéla, […] qui aurait vendu une télé couleur à un aveugle », que Galouzeau de Villepin, « faux noble d’Empire au nom de pur-sang », et Alain Minc, « inoxydable couteau suisse des élites françaises ». Où l’on pénètre le cercle des Gracques – « une trouvaille de Denis Olivennes » – et le dîner mensuel du Siècle, ce temple de l’entre-soi où Emmanuel Macron, mix de Lucien de Rubempré et de Julien Sorel, se rêve « autant président de la République qu’écrivain ». Où il est rappelé ce qu’est la vie d’un courtisan dans « ce cloaque de petitesses arrangées, d’empresseme­nts ignobles, saturé de pièges et de manèges, où tu ne te grandis pas sans te courber, où la souplesse le dispute à la bassesse et la jalousie à l’hypocrisie ». Ces propos acérés et désabusés, on les doit à Cécile Guilbert, qui signe un roman – ou plutôt, une sotie – dont elle n’imaginait pas que le titre serait, à la veille de la présidenti­elle et en pleine affaire Fillon, d’une telle actualité : « les Républicai­ns » (Grasset, 18 euros). La spécialist­e de Saint-Simon, Guy Debord et Andy Warhol, qui a fait le choix singulier de la littératur­e quand ses camarades de Sciences-Po guignaient, en formation triangulai­re, les cabinets ministérie­ls, imagine qu’elle retrouve, à l’occasion d’une émission de Thierry Ardisson, un camarade de la fameuse promo 86 (celle de Copé, Montebourg, Beigbeder, Pujadas, Frigide Barjot, Anne Roumanoff, etc.). Il s’appelle Guillaume Fronsac, est passé par l’ENA, a signé un petit livre sur Machiavel et grenouillé dans une banque d’affaires pour mieux plonger dans les eaux saumâtres de la politique. De 17 heures à minuit, « la fille en noir » à la voix de contralto et le disciple moderne de Talleyrand (« Quand je me regarde, je me désole, quand je me compare, je me console ») vont échanger, entre la place des Pyramides et la Concorde, des répliques qui ressemblen­t à des balles de tennis ou à des pièces d’échiquier. C’est accablant pour les puissants, triomphal pour les subversifs et réconforta­nt pour les derniers amoureux des belles-lettres. Mon conseil : votez Guilbert ! J. G.

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