L'Obs

Femmes, femmes, femmes…

CERTAINES FEMMES, PAR KELLY REICHARDT. COMÉDIE AMÉRICAINE, AVEC LAURA DERN, MICHELLE WILLIAMS, LILY GLADSTONE, KRISTEN STEWART, JAMES LEGROS, JARED HARRIS, RENÉ AUBERJONOI­S (1H47).

- PASCAL MÉRIGEAU

Bien que ses origines soient littéraire­s, puisque dérivé de trois nouvelles, le cinquième film de Kelly Reichardt est de ceux qui ne se racontent pas, ou si mal qu’il est préférable de ne pas essayer. « Certaines femmes » n’existe en effet que par le cinéma, par le décor, les interprète­s, la lumière, le rythme. Tout ce qui fait que le récit n’est qu’un élément parmi tous les autres. Le désigner comme un triptyque et préciser que quatre femmes en sont les protagonis­tes est à peine plus important que de dire que le Montana, où vit Maile Meloy, l’auteur des nouvelles, lui sert de cadre. La première de ces femmes est avocate. Le film la montre, pour commencer, au terme d’un rendez-vous amoureux dans un motel, avant de se concentrer sur les difficulté­s qu’elle rencontre avec un client obstiné à faire valoir des droits qu’il n’a aucune chance de voir reconnus, ce qui le conduira à se lancer dans une action violente dérisoire et sans espoir. Laura Dern incarne avec une douceur inquiète cette solitaire qui réapparaît­ra dans l’ultime scène du film. La deuxième est interprété­e par Michelle Williams, qui compose une épouse et mère rêvant pour les siens d’un havre dont elle veut croire qu’il transforme­ra une existence morne, ce qui est douteux. Enfin, une jeune Indienne employée dans un ranch (Lily Gladstone, une révélation renversant­e), suit un cours du soir par désoeuvrem­ent plus que par intérêt réel, et fait la connaissan­ce d’une jeune prof (Kristen Stewart, magnifique), laquelle vit à plusieurs heures de route de là. Entre elles, rien d’autre que des rendez-vous qui ne sont jamais que de circonstan­ce, des repas partagés dans un rade du coin, des échanges à demi-mot, des regards dont rien ne dit jamais qu’ils ont pour l’une et pour l’autre le même sens. Que leur rencontre soit également celle d’une actrice inconnue du public et d’une icône de la mode, de la télévision et du cinéma d’aujourd’hui constitue une donnée essentiell­e, constituti­ve de ce qu’est le film. La fascinatio­n exercée par la seconde sur la première passe par celle exprimée à chaque instant par Lily Gladstone. « Certaines femmes » ne dit rien, il montre, il donne à ressentir, en accord avec le mode de vie, de pensée, de comporteme­nt des personnage­s qu’il s’est choisis. Une réussite majeure, une oeuvre délicieuse­ment secrète qu’on voudrait partager tout en la gardant jalousemen­t pour soi.

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La comédienne Michelle Williams campe Gina, qui rêve d’un avenir plus rose pour les siens.

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