L’opinion
de Matthieu Croissandeau
Un hold-up ? Quel hold-up ? Depuis le déclenchement de l’affaire Fillon, la droite pleure à chaudes larmes. D’un ténor à l’autre, les mêmes éléments de langage résonnent, accréditant l’idée que l’élimination de François Fillon au premier tour reviendrait à « voler l’élection présidentielle ». Ce prétendu « déni de démocratie » en cache un autre: depuis la défaite de Nicolas Sarkozy, la droite considère que 2017 lui revient de droit, que c’est son tour, en somme, que le pouvoir lui serait dû. Tout autre vainqueur que celui qu’elle s’est choisi serait donc par avance un imposteur… Cette conception pour le moins singulière du suffrage universel n’est pas nouvelle. Elle s’inscrit dans une rhétorique bien connue qui veut que l’accession de la gauche au sommet de l’Etat ne puisse être que le produit d’un accident de l’histoire, voire d’une effraction. Une parenthèse qu’il convient de refermer au plus vite, péroraient déjà les mêmes, il y a plus de trente ans, aux premières heures du mitterrandisme.
Entendons-nous : il est normal et fondamental pour le débat démocratique que la droite dite « républicaine » puisse concourir à l’élection présidentielle. Mais il n’est écrit nulle part dans la Constitution qu’elle doive absolument figurer au second tour! Pour ce faire, il lui revient, comme à tous les candidats, de porter un projet qui rassemble au-delà du noyau dur de son électorat. En prend-elle le chemin? Rien n’est moins sûr. Après six semaines d’une tragi-comédie aussi effarante que grotesque, les Républicains n’ont finalement trouvé d’autre solution que de faire bloc derrière François Fillon. En toute connaissance de cause. Ils le savent abîmé par le scandale, soumis à un calendrier judiciaire très compliqué, porteur d’un projet de sacrifices pour les Français en complet décalage avec l’image qu’il renvoie désormais. Mais les voilà qui persistent et signent. Et les mêmes qui répandaient sur les ondes leurs doutes, leurs inquiétudes ou leur colère expliquent aujourd’hui doctement qu’ils n’ont pas mieux en magasin que Fillon pour remporter la course.
On pourrait sourire de ces têteà-queue absurdes s’ils ne s’appuyaient sur un complotisme délétère. Rappelons ici à toutes fins utiles que François Fillon est le seul responsable de ce qui lui arrive. C’est lui qui a rémunéré sans sourciller femme et enfants, des années durant, avec de l’argent public. Lui encore qui a opté pour cette ligne de défense aussi maladroite que contestable. Lui toujours qui a choisi de scénariser l’annonce de sa prochaine mise en examen avec des accents factieux et populistes. Lui enfin qui emmène son parti et son électorat dans une radicalisation ultradroitière qui confine au suicide politique. Car, enfin, à qui peut-il faire croire qu’il se pose en meilleur rempart contre Marine Le Pen quand il lui fait au contraire la courte échelle, en malmenant l’institution judiciaire ou en invitant des partisans du grand rapprochement avec le FN au premier rang de ses meetings ? Le seul hold-up qui menace la droite est un cambriolage frontiste. Et l’histoire retiendra qu’en choisissant de maintenir Fillon envers et contre tout, les Républicains ont laissé la porte grande ouverte…
“RAPPELONS ICI À TOUTES FINS UTILES QUE FRANÇOIS FILLON EST LE SEUL RESPONSABLE DE CE QUI LUI ARRIVE.”