L'Obs

“Fillon, ils veulent l’abattre. Comme DSK !”

Pour prendre le pouls du pays à la veille de la présidenti­elle, “l’Obs” retourne à la rencontre de ces Français qui furent au coeur des enjeux politiques, économique­s et sociétaux du quinquenna­t. Cette semaine, les clients de l’Hyper Cacher de la porte de

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Al’Hyper Cacher, porte de Vincennes, on les croise devant le magasin, panier de courses à la main. Il pleut, la pluie détrempe les fleurs et les photos des victimes de l’attentat de janvier 2015, toujours accrochées à des barrières de fortune, à 20 mètres du magasin. Paul, 75 ans, tend le parapluie pour protéger son épouse, Josiane, 72 ans, emmitouflé­e dans sa parka. Ils sont mignons comme sur une photo de Doisneau. Le couple est resté fidèle au magasin. Ils connaissai­ent les quatre jeunes fauchés ce jour-là. Paul : « Je les voyais toutes les semaines à la synagogue… Dire qu’on y était, au magasin, la veille de l’attentat. » Josiane : « Maintenant, pour la sécurité, on s’organise nous-mêmes. Devant les écoles, la synagogue, il y a des rondes… On fait pas confiance à l’Etat pour nous protéger. » Pour la présidenti­elle, leur choix est fait, le même : « Fillon ! » Le couple déjeunait avec des amis dans un restaurant cacher du 11e arrondisse­ment ce mercredi 1er mars. Tous les gens dans la salle avaient les yeux rivés à la télévision pendant l’interventi­on du candidat, qui annonçait qu’il ne se retirait pas. « Il est courageux. Fillon, ils veulent l’abattre. Comme DSK. » Ah, DSK… Paul et Josiane ne se sont jamais consolés d’avoir été privés de leur candidat idéal en 2012 : « Alors que toute la planète le réclamait ! C’était le patron du FMI, quand même ! » Josiane avait un autre chouchou, Manuel Valls. Le couple était là quand il est venu rendre hommage aux victimes de l’Hyper Cacher. « Il avait déclaré que la France sans les juifs, ça n’était pas la France. Lui, il avait la carrure, pas comme l’autre, Hamon, c’est ça ? Insignifia­nt ! » Droite, gauche ? Pour Josiane, ce qui compte, c’est la personnali­té plus que le camp politique. « Moi, j’aurais voté Valls. Ça me fait de la peine de le voir sans rien… Macron ? Je peux pas le supporter. Un bonimenteu­r. Sarkozy ? Mon fils l’aime bien, mais moi non, il est trop agité. Fillon, au moins, il nous rassure. » Josiane est formelle : chez ses amis, c’est à 95% Fillon. Enfin, parmi ceux qui sont restés. Quasiment toute la famille de Paul s’est exilée en Israël après les attentats : « On n’a plus l’impression d’être chez nous », soupire Josiane. « J’interdis à mes petits-enfants de sortir avec la kippa. Ou alors, cachée sous une casquette. » Même désarroi chez Jean-Marc, la soixantain­e, qui, lui, garde sa kippa sur la tête. « Je suis désormais tout seul ici. Mes enfants sont partis en Israël. J’attends la retraite pour les suivre. » Il évoque ce « sale juif » lancé à son petit-fils à la sortie de l’école, qui les a décidés. « Quand j’étais jeune, on vivait ensemble, Arabes et Juifs, y avait pas de souci. On n’allait d’ailleurs pas dans des écoles juives, mais à l’école publique. Ce sont les politiques qui nous ont divisés. » Jean-Marc dit qu’il « aime la France » mais que la France « [l]’a exclu » : « Faut arrêter avec cette obsession de la laïcité. La dernière fois, on m’a demandé d’enlever ma kippa au commissari­at. Voile, kippa… Laissez-nous tranquille­s ! » Lui aussi prévoit de voter Fillon. « Parce que c’est le plus solide. » Marine Le Pen ? « Aucun juif ne votera Marine Le Pen ! Elle tente de se démarquer de son père, mais on n’est pas dupes ! »

Au rayon chocolat, voilà Albert, la cinquantai­ne, qui trouve certaines idées de Marine Le Pen valables – « privilégie­r les Français, par exemple » –, mais lui aussi pense que « les juifs ont encore peur du Front national ». Albert vote toujours à droite, il penchait pour Juppé, s’est rabattu sur Fillon, loyalement. « Mais là, vraiment, c’est trop. » Albert ne sait plus quoi faire pour le premier tour. « C’est fou, mais maintenant, le seul qui me semblerait digne de confiance, c’est François Hollande. J’avais pas voté pour lui en 2012, mais s’il change d’avis, je le suis ! »

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Hommage aux quatre jeunes victimes tuées lors de l’attaque du supermarch­é, le 9 janvier 2015.

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