Le temps éprouvé
L’INCLINAISON, PAR CHRISTOPHER PRIEST, TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR JACQUES COLLIN, DENOËL, 404 P., 23 EUROS.
« L’Inclinaison » se passe dans « l’archipel du rêve », cadre récurrent chez Christopher Priest. Sur l’île de Glaund, plus précisément, une dictature militaire aux frontières fermées, perpétuellement en guerre. Un jeune compositeur brillant échappe à la conscription, à la faveur d’une tournée de concerts qui lui permet de voyager dans l’archipel, ce qui est théoriquement interdit. Or, passant d’une île à l’autre, il découvre que le temps ne s’écoule pas à la même vitesse partout. Quand il revient chez lui, tout le monde est mort ou l’a oublié. Le fantastique, chez Priest, n’est pas qu’un prétexte à faire du roman d’aventures. La torsion des lois naturelles a pour lui une valeur méditative. Ici, le Britannique semble se demander comment le voyage et le vieillissement (donc l’espace et le temps) agissent sur les trajectoires de nos vies. La forme même de l’intrigue, à la fois linéaire et distendue, figure cette « nature graduelle du temps » découverte par le héros. Mais Priest livre rarement la clé de ses romans. Chacun trouvera le sens qu’il souhaite à ce récit envoûtant, suivant son inclinaison.