Hommage Chuck « Crazy Legs » Berry
La glorieuse histoire des inventions humaines est pleine de choses plus ou moins utiles. La roue, la poudre à canon, la braguette zippée, la démocratie représentative, le Bubble Tea. Chuck Berry, lui, avait inventé le rock’n’roll. Les années 1950 s’y prêtaient bien. L’époque était à l’accélération de tout. Le créateur de « Little Queenie » a eu l’idée d’accélérer le country blues de son pays, tout en martyrisant deux cordes d’une Gibson pour les faire couiner à la manière de T-Bone Walker. Résultat : une émotion brute, obsédée par les jolies filles et les bagnoles, a envahi les micros, les radios, les cerveaux. Un truc assez nerveux et basique pour permettre à des gamins sachant à peine trois accords de brailler leur fureur de vivre et, incidemment, faire gigoter la moitié de la planète.
Charles Edward Anderson Berry était né en 1926 à Saint Louis, Missouri. Il y est mort ce 18 mars à l’âge respectable de
90 ans. Dans l’intervalle, il a été délinquant, coiffeur, joueur de blues. Repéré par Muddy Waters, il a réussi à faire oublier qu’il était noir en devenant une idole des jeunes. Il a été condamné pour détournement de mineure (vingt mois de prison, années 1960), puis parce qu’il avait eu l’idée poétique d’installer des caméras dans les toilettes pour femmes de son restaurant (années 1990). Mais sans ce voyou-là, pas de Beatles, pas de Rolling Stones, ni non plus de Beach Boys, qui ont pompé son « Sweet Little Sixteen » pour faire swinguer leur « Surfin’ USA ». Il est possible que Bob Dylan exagérait un peu le jour où il a parlé du chanteur de « Carol » comme d’un « grand poète ». Peu importe. La Nasa n’a pas envoyé pour rien « Johnny B. Goode » aux extraterrestres en 1977. Son invention était presque parfaite, et son truc carrément contagieux. Nous sortons tous de la cuisse de Chuck Berry.