Ils sont divers, mes faits
Où l’on voit le chroniqueur, en ces temps d’attente électorale, user des ficelles du journalisme
Ça se passe à Saint-Charles, ville de l’Illinois, une trentaine de milliers d’habitants, à une soixantaine de kilomètres de Chicago. La vie y est beaucoup plus tranquille. Ce qui n’empêche pas les passions d’y être parfois dévastatrices. C’est ce qui s’est passé chez les Co and. Ça n’allait déjà pas trop bien. Anjum, la mère de famille, était partie vivre dans une autre maison. Randall, son mari, semblait mal le prendre. Il proférait de vagues menaces. La police, une fois, avait dû intervenir. Ce jour-là, Randall rend visite à Anjum. Il la convainc de l’accompagner jusqu’à leur naguère domicile conjugal. Là, comme il brandit une arme, elle compose le 911, dont personne au monde qui regarde la télévision n’ignore que c’est le numéro américain pour police-secours. La suite de leur conversation, dès lors, est enregistrée. Randall annonce à Anjum qu’il a tué leurs filles, des jumelles de 16 ans, et qu’il va lui-même se tuer. On peut imaginer les policiers sautant dans leur véhicule professionnel et se dirigeant déjà, toutes sirènes hurlantes, vers la maison des Co and. Randall continue à causer. Je vais me tuer, dit-il, toi je vais seulement te blesser, pour que tu sou res comme j’aurai sou ert et que tu n’oublies jamais comme nous aimions Ti any et Brittany.
Et il lui a tiré dans les jambes. Et il s’est enfermé dans la salle de bains. Anjum a entendu le coup de feu. L’enregistrement continuait. Elle hurlait après ses filles. Brittany, criait-elle. Tiffany! Aucune ne répondait. Mon Dieu, il les a tuées. Il a tué mes deux enfants, il s’est tué. A ce moment, les flics sont entrés. Les deux filles avaient e ectivement été tuées par leur père. Il ne restait à Anjum, transportée à l’hôpital, que ses yeux pour pleurer, plus ses blessures qui la laisseront peut-être claudicante, c’était le plus cher désir de Randall. Quelle histoire. On est mieux à lire « l’Obs ». Et à l’écrire, tiens donc.
On parlait de la télévision. Du numéro 911, des feuilletons américains. Les parents de celui-ci, en Franche-Comté devenue région Grand-Est, l’avaient baptisé Kevin, prénom devenu banal en Franche-Comté, les parents du second l’avaient baptisé Brendon, ce qui ne témoigne pas non plus d’un fort attachement à nos racines gréco-latines. Kevin Boutterin et Brendon Billotet, 18 et 19 ans, ce soir-là, avaient bien bu. Bien fumé. Ils viennent de prendre quatre et un an de prison ferme en correctionnelle, à Vesoul (GrandEst) pour un rodéo de 2015, parole ils s’étaient crus au Far-West. En voiture, accompagnés de deux mineurs, ils avaient poursuivi dans un pré trois vaches en gestation, leur avaient brisé les pattes, les avaient frappées à la hachette. Avec des blessures de cinq centimètres de profondeur, abandonnées agonisantes après avoir été arrosées à l’extincteur, les trois vaches et les veaux qu’elles portaient avaient attendu dix heures que leur propriétaire les découvre et les fasse euthanasier. Le chroniqueur pourrait trouver des faits-divers plus rigolos.
Allez. Un dernier qui est drôle. Aujourd’hui en prison, Peter Fitzek s’était proclamé roi d’Allemagne. Il encourageait ses sujets à lui payer leurs impôts et en avait trouvé 600 pour lui verser au total 1,3 million d’euros. On peut tout faire, avec Internet. Post-scriptum qui n’a rien à voir.– En apprenant sa mort, deux moments qui vous sautent à l’esprit. Jaki Byard, seul au piano, dans la cave de l’île Saint-Louis. Philly Joe Jones, à la batterie, dans le club de La Défense. Puis Sun Ra. Archie Shepp. Siegfried Kessler. Combien d’autres, jusqu’à Woody Herman et son Rugissant Troupeau. Gérard Terronès vient de mourir, sans qui la vie du free-jazz à Paris, et du moins free mais libre quand même, n’aurait pas été la grande chose qu’elle a été.
Brittany, criait-elle. Tiffany! Aucune ne répondait.