Votez Viviant!
Ce CRITIQUE LITTÉRAIRE anarchiste, passionné de politique, fait campagne à Paris pour être élu DÉPUTÉ. Il s’en explique
Un soir de mai, à Montmartre, « l’endroit le plus haut de Paris », on retrouve le critique littéraire et écrivain Arnaud Viviant. Le fulminant rhéteur du « Masque et la Plume » se présente à la députation dans la 18e circonscription de Paris, et il donne ce soir-là son premier meeting dans un bar à tapas. « Mon discours, j’y travaille depuis des semaines, dit-il. Ça me réveille la nuit. » Cinquante personnes sont venues écouter sa déclaration de politique générale. Pendant une heure, il leur explique pourquoi la France a besoin d’un critique littéraire debordien à l’Assemblée nationale. Il se dit héritier de Jaurès, qui chroniquait des romans dans « la Dépêche » de Toulouse et qui signait « le Liseur ». « J’ai 54 ans, dit-il. Mon métier, c’est de lire des livres. Et qu’est-ce que je vois dans tous ces livres ? Eh bien, je vois qu’il se produit une révolution des consciences. » Jusqu’à cette phrase précise, on prenait sa candidature pour un joli canular électoral. Mais après cela, on prend conscience qu’effectivement, au milieu des députés qui ont serré des mil- liers de mains, il pourrait y en avoir un qui a lu des milliers de livres.
Arnaud Viviant est né à Tours en 1962. Longtemps, il a méprisé la politique. « A la fac, par dandysme punk, je crachais sur les mecs qui tendaient des tracts », dit-il. Il est devenu critique de rock à « Libération », jusqu’au jour où on lui a confié une chronique quotidienne sur la télévision. « Là, j’ai eu un gros problème : j’ai regardé le JT, et je ne comprenais même pas de quoi ça parlait. J’avais 35 ans. Je me suis dit qu’il fallait que je me mette au “Monde”. » Il précise : « Je parle du journal “le Monde’’. Je me suis mis à le lire, tous les jours, en entier. »
En 2012, il a fondé « Charles », revue politico-littéraire trimestrielle. Petit à petit, à force de fréquenter le milieu politicien, ce « marécage irrespirable, ce cloaque plein de caïmans », il a acquis une conviction : la « professionnalisation de la politique », voilà l’ennemi. Il assure que « les politiciens sont estimables et intelligents. Certains sont mes amis. Mais pour eux, c’est un métier. La corruption, l’impuissance : tout vient de ça. » En novembre dernier, en vacances sur la Côte d’Azur, il a décidé de se lancer en politique. Il a choisi, presque au débotté, de s’autoparachuter dans la circonscription qui englobe Barbès et Pigalle, notamment pour s’opposer à Myriam El Khomry, candidate PS, et Caroline De Haas, la « fausse citoyenne » qui « rampe dans ce milieu depuis des années », et qui a sèchement exigé qu’il se retire. Comme ses concurrentes, il ne vit pas dans le quartier. On lui demande s’il y va. « Ça m’arrive de temps à autre », dit-il.
Quand il se promène dans sa « circo », Arnaud Viviant a la démarche princière et nonchalante d’un sénateur sicilien adoré par sa population. « Cette campagne est dure, nous dit-il un jour, attablé dans une pizzeria proche de chez lui, dans la “bobosphère” du xie arrondissement. Mon suppléant, un jeune écrivain, ne fait rien. Il ne veut même pas apparaître sur mes affiches. Et puis, je n’ai pas un rond. » Il se présente sans étiquette ni soutien logistique. Il doit payer jusqu’à l’impression de ses bulletins électoraux. Récemment, le parti de Jean Lassalle lui a proposé un « kit électoral » à 1 200 euros : quelques tracts, des affiches. « C’est du racket, dit-il. Je suis allé à leur réunion, un samedi à 9 heures du matin. Jean Lassalle est passé. Il n’a rien dit. Il a bouffé tous les croissants, puis il est parti. » Viviant a proposé un livre à Grasset, pensant utiliser l’à-valoir pour financer son raid électoral, mais le comité de lecture l’a refusé.
« Je m’en fous, j’y vais quand même, dit-il. J’espère être élu, mais surtout j’aime faire campagne. Je suis situationniste. Je m’intéresse à la situation. » Son positionnement politique est complexe. Trop à gauche pour le PS, il n’est pas mélenchoniste (à la présidentielle, il a voté Mélenchon, « avec le fol espoir qu’il perde »). « Je n’ai pas de programme, je ne suis pas un ordinateur, dit-il. Mais j’ai des idées. Je veux aller au Parlement pour parlementer. Voter des lois, librement. Surveiller le gouvernement. » Il brandit une citation de Paul Valéry qui résume à la fois sa campagne, l’esprit de son mandat, et l’intérêt de vivre dans une démocratie : « Quoi de mieux que de tenter une aventure ? »
Né en 1962 à Tours, ARNAUD VIVIANT est journaliste et écrivain. Rédacteur en chef de « Charles », chroniqueur au « Masque et la Plume », il a notamment publié « le Génie du communisme » (2004) et « la Vie critique » (2013).