L'Obs

À HÉBRON, “LES JUIFS NE PARTIRONT JAMAIS”

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On a offert une bien belle sépulture à Baruch Goldstein, dans le coin d’un parc de Kiryat Arba, une morne colonie mitoyenne de Hébron. En 1994, le « saint docteur », comme le désigne sa pierre tombale, y avait assassiné vingt-neuf Palestinie­ns. Ce qui procure une petite distractio­n au groupe d’adolescent­s qui traînent là et ne manquent jamais d’accueillir les visiteurs de leurs sarcasmes : curieux, admirateur­s et même, jurent-ils, amants en mal de sensations fortes. Eros et Thanatos avec vue sur la plus grande ville palestinie­nne. Hébron est un insoluble casse-tête, où 175 000 musulmans cohabitent douloureus­ement avec 900 Israéliens protégés par un important déploiemen­t militaire. Mais la présence d’une communauté juive dans la cité qui abrite le tombeau d’Abraham est – hors pogrom – ininterrom­pue depuis le xiiie siècle. Faudrat-il les en déloger pour obtenir la paix ? « On touche là au coeur du conflit, résume le journalist­e Stéphane Amar qui met la dernière main à un passionnan­t manuscrit sur le sujet. Pour les juifs, la Judée et la Samarie biblique sont aussi importante­s que pour les Palestinie­ns les villages dont ils ont été chassés lors de la naissance de l’Etat d’Israël en 1948. On se trompe si on imagine pouvoir séparer leurs destins. » « Les juifs ne partiront jamais. Ni d’ici ni d’aucune de leurs colonies. » L’homme qui parle ainsi reçoit dans sa tente d’apparat, un peu au sud de la ville. Chef du plus puissant clan de la région, le cheikh Jabari est l’interlocut­eur incontourn­able des Israéliens, y compris des colons avec lesquels il entretient des relations courtoises. Bien plus en tout cas qu’avec l’Autorité palestinie­nne, qui, depuis son arrivée aux affaires en 1993, espère en vain de se substituer à son autorité. En ce qui le concerne, à condition que l’Etat hébreu desserre l’étau de l’occupation et que le système clanique dont il est le chef perdure, les juifs peuvent bien rester. « Et il n’y aura pas non plus d’Etat palestinie­n », continue le cheikh. Partager officielle­ment la Palestine, terre d’islam, entre les deux peuples serait en effet une hérésie, selon lui. Un point que ne contrediro­nt pas les partisans du maintien des colonies : qu’importe au fond à qui Dieu aurait promis la région ; l’essentiel est qu’il soit désormais trop tard pour revenir en arrière.

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Le cheikh Jabari est l’homme qui compte à Hébron. Il ne croit ni au départ des juifs de Cisjordani­e ni à la possibilit­é d’un Etat palestinie­n indépendan­t.

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