Paula Hawkins se noie
La romancière de “la Fille du train” signe un thriller choral, fantastique et cacophonique
AU FOND DE L’EAU, PAR PAULA HAWKINS, TRADUIT DE L’ANGLAIS PAR CORINNE DANIELLOT ET PIERRE SZCZECINER, SONATINE, 416 P., 22 EUROS.
Paula Hawkins, l’auteur de « la Fille du train », revient avec un roman d’atmosphère qui flirte parfois avec le gothique. Dans le village de Beckford, le corps de Nel Abbott a été repêché dans la rivière qui la fascinait tant. Arrivée en catastrophe, sa soeur Julia exhume dans un dossier un manuscrit de Nel sur le « Bassin aux noyées », où, au xviie siècle, on avait repêché le cadavre de Libby, une enfant accusée de sorcellerie. Après elle, Mary, Anne, Ginny, Laureen, Kathie et d’autres perdirent la vie dans ces eaux troubles et maudites. Nel avait une hypothèse : « Beckford n’est pas un lieu à suicides. Beckford est l’endroit où l’on se débarrasse des femmes à problèmes. » Difficile, après cela, de croire qu’elle s’est donné la mort, comme on le prétend. La veille de sa disparition, Nel avait appelé Julia. Cette dernière effectue un retour au bercail éprouvant. Il lui faut affronter l’enquête sur le supposé suicide mais aussi se confronter au souvenir douloureux d’une relation brisée avec sa soeur. Enfin, elle doit apprivoiser sa nièce Lena. L’adolescente de 15 ans qu’elle ne connaît pas se montre d’emblée hostile. Paula Hawkins tresse les portraits de trois femmes complexes dans un thriller psychologique ambitieux. Plus profond que « la Fille du train », ce livre est également plus difficile à suivre. Une foule de narrateurs s’y croisent dans une suite de chapitres courts et secs. La narration est certes haletante mais ce rythme haché a de quoi perdre le lecteur et le noyer à son tour. Le roman choral, genre très en vogue chez les auteurs de polars, offre d’intéressantes variations sur un même thème mais la polyphonie tourne ici à la cacophonie. « Au fond de l’eau » vaut toutefois pour son climat d’étrangeté proche du fantastique. Celuici ouvre des perspectives littéraires à Paula Hawkins, qui, sans nul doute, saura refaire surface.