L'Obs

Arcade Fire à volonté

EVERYTHING NOW, PAR ARCADE FIRE (COLUMBIA, LE 28 JUILLET).

- NICOLAS SCHALLER

On tient l’album de l’été, et il risque de durer toute l’année. Le cinquième LP d’Arcade Fire est leur plus groovy. Leur meilleur ? La production est assurée par Steve Mackey (Pulp) et, sur trois ou quatre titres, par le Daft Punk Thomas Bangalter. Un quasi-sans-faute, qui nous entraîne 47 minutes durant sur un dancefloor inattendu, repensé de fond en comble par les Montréalai­s, lesquels n’ont pas leur pareil pour donner musicaleme­nt envie de gravir des montagnes sur des textes à faire passer ceux de Lou Reed pour des précis de bien-être. « I’m in the black again », susurre Win Butler avant qu’un son nous aspire vers un ailleurs dansant : sur le premier single « Everything Now », le groupe (épaulé par Bangalter) passe ABBA et Simple Minds au tamis de sa propre folie des grandeurs, préférant, à l’emphase pompière, l’exotisme bienvenu d’une flûte de pan, sample de « The Coffee Cola Song » du Camerounai­s Francis Bebey. Ambiance plus urbaine pour « Signs of Life », avec sa rythmique disco à la « Car Wash » et le chant rappé de Butler qui convoque les fantômes de Blondie et de Tom Tom Club. Suivent le tubesque « Creature Comfort », rock électroniq­ue et orgiaque mêlant New Order, Talking Heads et LCD Soundsyste­m, et son mantra hystérique scandé par la voix suraiguë de Régine Chassagne (« On and on, I don’t know what I want »), puis le dub distordu de « Peter Pan », à rendre Grace Jones blanche de jalousie. Beaucoup de références, certes, mais le son unique d’un groupe au sommet qui se réinvente à chaque chanson. On se demande alors si on ne tient pas là un chef-d’oeuvre de pop tous azimuts du calibre du « London Calling » des Clash, quand « Chemistry » modère cet enthousias­me. Pas pour longtemps : le diptyque « Infinite Content », courts apartés parodiques, l’un college-rock, l’autre country-folk, moquant notre surconsomm­ation de produits jetables, surgit comme une (auto)critique amusée. La seconde moitié fait la part belle aux production­s Bangalter. La bande à Butler fait la nique à Drake et Giorgio Moroder (« Electric Blue »), pond un slow magistral (« We Don’t Deserve Love »), seul titre down-tempo, croisement idéal entre l’Arcade Fire des origines et leur nouvelle sophistica­tion électro. « Everything Now » (« Tout maintenant »), peut-être, mais il devrait nous accompagne­r longtemps.

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