Arcade Fire à volonté
EVERYTHING NOW, PAR ARCADE FIRE (COLUMBIA, LE 28 JUILLET).
On tient l’album de l’été, et il risque de durer toute l’année. Le cinquième LP d’Arcade Fire est leur plus groovy. Leur meilleur ? La production est assurée par Steve Mackey (Pulp) et, sur trois ou quatre titres, par le Daft Punk Thomas Bangalter. Un quasi-sans-faute, qui nous entraîne 47 minutes durant sur un dancefloor inattendu, repensé de fond en comble par les Montréalais, lesquels n’ont pas leur pareil pour donner musicalement envie de gravir des montagnes sur des textes à faire passer ceux de Lou Reed pour des précis de bien-être. « I’m in the black again », susurre Win Butler avant qu’un son nous aspire vers un ailleurs dansant : sur le premier single « Everything Now », le groupe (épaulé par Bangalter) passe ABBA et Simple Minds au tamis de sa propre folie des grandeurs, préférant, à l’emphase pompière, l’exotisme bienvenu d’une flûte de pan, sample de « The Coffee Cola Song » du Camerounais Francis Bebey. Ambiance plus urbaine pour « Signs of Life », avec sa rythmique disco à la « Car Wash » et le chant rappé de Butler qui convoque les fantômes de Blondie et de Tom Tom Club. Suivent le tubesque « Creature Comfort », rock électronique et orgiaque mêlant New Order, Talking Heads et LCD Soundsystem, et son mantra hystérique scandé par la voix suraiguë de Régine Chassagne (« On and on, I don’t know what I want »), puis le dub distordu de « Peter Pan », à rendre Grace Jones blanche de jalousie. Beaucoup de références, certes, mais le son unique d’un groupe au sommet qui se réinvente à chaque chanson. On se demande alors si on ne tient pas là un chef-d’oeuvre de pop tous azimuts du calibre du « London Calling » des Clash, quand « Chemistry » modère cet enthousiasme. Pas pour longtemps : le diptyque « Infinite Content », courts apartés parodiques, l’un college-rock, l’autre country-folk, moquant notre surconsommation de produits jetables, surgit comme une (auto)critique amusée. La seconde moitié fait la part belle aux productions Bangalter. La bande à Butler fait la nique à Drake et Giorgio Moroder (« Electric Blue »), pond un slow magistral (« We Don’t Deserve Love »), seul titre down-tempo, croisement idéal entre l’Arcade Fire des origines et leur nouvelle sophistication électro. « Everything Now » (« Tout maintenant »), peut-être, mais il devrait nous accompagner longtemps.