L'Obs

Madame Bovary, bien soignée

MADAME BOVARY, DE GUSTAVE FLAUBERT. LUCERNAIRE, PARIS-6E, 01-45-44-57-34, 18H30. JUSQU’AU 3 SEPTEMBRE.

- JACQUES NERSON

Banale, l’histoire d’Emma, cette jolie fille tourneboul­ée par les romans à l’eau de rose dont elle s’est farci la cervelle, qui se marie avec un brave garçon, décevant à l’usage, et s’en va chercher ailleurs ce qu’elle ne trouve pas chez elle ? Oui, banale à pleurer. Flaubert la voulait telle, pour qui ce roman tiré d’un fait divers n’était au départ qu’un exercice de décrassage préconisé par ses amis Louis Bouilhet et Maxime Du Camp que les « divagation­s » de « la Tentation de saint Antoine » avaient effrayés. En se moquant des poncifs romantique­s, en montrant leur mauvaise influence sur une âme naïve, Flaubert se fustigeait lui-même. Il étouffait son propre penchant à la « déréalité ». Le régime sec lui fut bénéfique. Le scandale suscité par son premier roman publié, à présent considéré comme le premier roman moderne, le rendit aussitôt célèbre. Nombreuses furent les propositio­ns qu’on lui fit de le porter à la scène. Il les refusa toutes. Vu les films qu’on devait plus tard en tirer, il avait raison. Ce n’est pas l’intrigue, c’est le style de « Madame Bovary » qui est génial. D’où la réussite du spectacle de Sylvie Blotnikas qui se contente de resserrer l’histoire, quitte à éliminer certains passages, comme tout ce qui concerne le pharmacien Homais. André Salzet dit le texte en s’effaçant derrière les personnage­s, discrétion que Flaubert aurait hautement approuvée. Et le public fait chorus avec lui.

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