L'Obs

FRANCE-ALLEMAGNE: L’HEURE DE VÉRITÉ APPROCHE

- Par DANIEL COHEN Directeur du départemen­t d’économie de l’Ecole normale supérieure.

L es élections allemandes qui se tiennent ce week-end auront une importance décisive pour l’agenda européen en général, et celui du président français en particulie­r. La reconducti­on d’Angela Merkel semble acquise, mais ce qui est plus incertain est de savoir avec qui elle gouvernera. Selon qu’elle maintiendr­a l’ancienne coalition avec le SPD, le Parti social-démocrate, ou qu’elle s’alliera avec le FDP, le Parti libéral très à droite sur les questions économique­s, le paysage européen sera totalement di érent. Le plus intéressan­t est que cette alliance sera sans doute à la discrétion de Mme Merkel. L’Europe connaîtra alors ses intentions.

Mme Merkel a envoyé des signaux très positifs à Emmanuel Macron (lire aussi p. 46). Son body language tout en embrassade­s tranche avec celui qu’elle avait employé, du moins au début, avec Sarkozy ou Hollande. Elle se réjouit indiscutab­lement que les Français aient élu un président qui avait fait de son engagement européen l’un des credo de sa campagne. Elle a explicitem­ent endossé ses idées d’un budget et d’un ministre des Finances propres à la zone euro, ce qui est une rupture incontesta­ble avec la doxa allemande traditionn­elle.

Mais Angela Merkel a deux fers au feu. Elle a en e et également soutenu les propositio­ns de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, de transforme­r le Mécanisme européen de Stabilité (le MES), créé en urgence pour face aux crises européenne­s, en un Fonds monétaire européen (le FME). Concrèteme­nt, cela veut dire que les prochaines crises ne seront plus traitées en partenaria­t avec le FMI, mais par les Européens euxmêmes. Ce qui peut sembler une bonne idée en cache toutefois une autre qui l’est beaucoup moins. Schäuble veut retirer à la Commission le pouvoir de surveillan­ce des budgets nationaux pour le confier à ce nouveau FME, lequel serait régi comme le MES par un traité intergouve­rnemental, a ranchi pour l’essentiel des règles communauta­ires. Ce sera sans doute aussi la position du FDP s’il devait participer au gouverneme­nt.

Or l’enjeu d’une véritable réforme devrait être exactement inverse : renforcer les moyens d’agir de la Commission, sous le contrôle d’un Parlement de la zone euro, pour lui permettre de faire face à une nouvelle crise financière, et mieux de la prévenir... Pressentan­t le risque d’une solution à la Schäuble, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a ajouté de la confusion au débat en expliquant que le Brexit ne rendait plus nécessaire de créer un budget et un parlement de la zone euro, et qu’il s’agissait d’arrimer au plus vite à la zone les pays qui n’y sont pas encore… Il faut pourtant agir vite, sauf à considérer que la prochaine crise pourrait être traitée comme la précédente. Le risque, comme toujours, serait de ménager la chèvre et le chou : un « petit » budget pour faire plaisir aux Français, et un Fonds monétaire européen, garant de l’orthodoxie financière, pour rassurer les Allemands. L’Europe ne peut plus se permettre de tels accords de façade.

“MERKEL SE RÉJOUIT QUE LES FRANÇAIS AIENT ÉLU UN PRÉSIDENT QUI AVAIT FAIT DE SON ENGAGEMENT EUROPÉEN L’UN DES CREDO DE SA CAMPAGNE.”

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