FRANCE-ALLEMAGNE: L’HEURE DE VÉRITÉ APPROCHE
L es élections allemandes qui se tiennent ce week-end auront une importance décisive pour l’agenda européen en général, et celui du président français en particulier. La reconduction d’Angela Merkel semble acquise, mais ce qui est plus incertain est de savoir avec qui elle gouvernera. Selon qu’elle maintiendra l’ancienne coalition avec le SPD, le Parti social-démocrate, ou qu’elle s’alliera avec le FDP, le Parti libéral très à droite sur les questions économiques, le paysage européen sera totalement di érent. Le plus intéressant est que cette alliance sera sans doute à la discrétion de Mme Merkel. L’Europe connaîtra alors ses intentions.
Mme Merkel a envoyé des signaux très positifs à Emmanuel Macron (lire aussi p. 46). Son body language tout en embrassades tranche avec celui qu’elle avait employé, du moins au début, avec Sarkozy ou Hollande. Elle se réjouit indiscutablement que les Français aient élu un président qui avait fait de son engagement européen l’un des credo de sa campagne. Elle a explicitement endossé ses idées d’un budget et d’un ministre des Finances propres à la zone euro, ce qui est une rupture incontestable avec la doxa allemande traditionnelle.
Mais Angela Merkel a deux fers au feu. Elle a en e et également soutenu les propositions de son ministre des Finances, Wolfgang Schäuble, de transformer le Mécanisme européen de Stabilité (le MES), créé en urgence pour face aux crises européennes, en un Fonds monétaire européen (le FME). Concrètement, cela veut dire que les prochaines crises ne seront plus traitées en partenariat avec le FMI, mais par les Européens euxmêmes. Ce qui peut sembler une bonne idée en cache toutefois une autre qui l’est beaucoup moins. Schäuble veut retirer à la Commission le pouvoir de surveillance des budgets nationaux pour le confier à ce nouveau FME, lequel serait régi comme le MES par un traité intergouvernemental, a ranchi pour l’essentiel des règles communautaires. Ce sera sans doute aussi la position du FDP s’il devait participer au gouvernement.
Or l’enjeu d’une véritable réforme devrait être exactement inverse : renforcer les moyens d’agir de la Commission, sous le contrôle d’un Parlement de la zone euro, pour lui permettre de faire face à une nouvelle crise financière, et mieux de la prévenir... Pressentant le risque d’une solution à la Schäuble, le président de la Commission, Jean-Claude Juncker, a ajouté de la confusion au débat en expliquant que le Brexit ne rendait plus nécessaire de créer un budget et un parlement de la zone euro, et qu’il s’agissait d’arrimer au plus vite à la zone les pays qui n’y sont pas encore… Il faut pourtant agir vite, sauf à considérer que la prochaine crise pourrait être traitée comme la précédente. Le risque, comme toujours, serait de ménager la chèvre et le chou : un « petit » budget pour faire plaisir aux Français, et un Fonds monétaire européen, garant de l’orthodoxie financière, pour rassurer les Allemands. L’Europe ne peut plus se permettre de tels accords de façade.
“MERKEL SE RÉJOUIT QUE LES FRANÇAIS AIENT ÉLU UN PRÉSIDENT QUI AVAIT FAIT DE SON ENGAGEMENT EUROPÉEN L’UN DES CREDO DE SA CAMPAGNE.”