L'Obs

Bravo les artistes

Où l’on voit des dessins sur des murs et que tout ce qui vole n’est pas gentil oiseau

- D. D. T.

Le dixième arrondisse­ment de Paris est connu pour ses campements d’étrangers sans abri, ses migrants comme on les appelle pour signifier qu’ils ne sont pas des immigrés, qu’on les veut de simple passage, mais aujourd’hui, si cet arrondisse­ment fait parler de lui, c’est qu’il veut se débarrasse­r aussi de ses pigeons.

Une engeance, les pigeons. Pour commencer, leur roucouleme­nt. Di cile à supporter quand c’est tous les jours et la plaie, c’est les déjections. Chient tout le temps. C’est pas sain, puis ça ronge la pierre. Le maire du dixième, qui souhaite que son arrondisse­ment reste beau et qu’il y fasse bon vivre, a donc fait appel à une société de fauconneri­e. Au mois d’octobre, nous apprend le journal « le Parisien », les rapaces mèneront la traque dans le dixième pendant une dizaine de jours. Que les pigeons s’en aillent roucouler et se soulager ailleurs. Ah mais.

Ah mais ? Et les autres arrondisse­ments, alors ? S’ils quittent le dixième, où est-ce qu’ils vont aller, les pigeons? Dans les arrondisse­ments proches, tiens. C’est pas sympa. A moins qu’un accord (secret) ait été passé avec le maître fauconnier pour que les pigeons soient dirigés vers le départemen­t voisin, la Seine-SaintDenis, le 93, le fameux Neuf-Trois où Paris a l’habitude d’envoyer ses indésirabl­es? Foi de Parisien, ce serait bien joué.

Autre nouvelle du dixième arrondisse­ment de Paris. Encore? Oui. Après tout, en quarante-cinq années, cette chronique n’aura guère parlé de cet arrondisse­ment valeureux. On peut, pour une fois, s’attarder sur lui, d’autant que cette nouvelle est meilleure. C’est ici qu’est né Roland Topor en 1938, c’est ici qu’il est mort en 1997. Le 29 septembre, pour les 20 ans de sa disparitio­n, le dixième honorera Topor. Tout Paris l’honorera. Un passage, qui va de l’avenue de Verdun vers le canal Saint-Martin, sera baptisé à son nom. On imaginera son rire. Déjà, un grand mur nu semble attendre un de ses dessins. Lisez les oeuvres écrites de Topor, regardez les oeuvres graphiques de Topor, l’auteur qui rend intelligen­t.

Puisqu’on parle de dessin sur un mur, parlons du gra eur Banksy, trop jeune pour que Topor ait eu le temps de le connaître. Une exposition d’oeuvres d’art vient de se tenir à Londres pour répondre à un salon des armes de guerre et cette exposition avait pour nom Stop the Arms Fair (Foire pour stopper les armes). Banksy y exposait un « à la manière » des dessins d’enfants après des bombardeme­nts, intitulé « Civilian Drone Strike » (Frappe de drone sur des civils), lequel a trouvé acquéreur pour 205000 livres, soit 233 000 euros. Toutes ces bonnes livres sterling seront également partagées entre deux associatio­ns de lutte contre le commerce des armements. Vous applaudiss­ez, n’est-ce pas ?

Il y avait 1 600 exposants à cette foire artistique, qui venaient de 54 pays. Elle n’aura guère fait parler en France. Il est vrai qu’à propos de drones, au moment où Banksy exposait son dessin, notre pays passait un contrat avec les Etats-Unis pour armer les siens. Nos drones ne se contentero­nt plus d’observer, ils passeront à l’o ensive. Nous aussi, on pourra tuer à distance. A nous, les bavures ! Planquez-vous, les civils. Faites ga e, les enfants. Les Français arrivent.

C’est vrai, quoi. Vendre des armes à un peu tout le monde et ne pas avoir de drones armés, à la longue ça aurait fait pas sérieux. Amateur. Alors qu’on est des grands profession­nels de la chose. Maintenant, il nous va falloir former des opérateurs. Ne croyez pas qu’il su t de s’asseoir devant un écran et de tirer sur ce qui bouge au mauvais endroit à des milliers de kilomètres. En Angleterre comme en Amérique, les opérateurs se plaignent de la monotonie qui à la longue leur mine le moral. Les primes ne sont pas tout. Certains réclament une décoration spécifique.

Une engeance, les pigeons. Pour commencer, leur roucouleme­nt.

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