L'Obs

Lost in Knausgaard

AUX CONFINS DU MONDE, PAR KARL OVE KNAUSGAARD, TRADUIT DU NORVÉGIEN PAR MARIE-PIERRE FIQUET, DENOËL, 660 P., 24, 50 EUROS.

- DIDIER JACOB

A quoi tient le succès planétaire du Norvégien Karl Ove Knausgaard ? Sans doute à l’ampleur de l’entreprise : six épais volumes autobiogra­phiques, parus en Norvège entre 2009 et 2011, qui n’épargnent au lecteur aucun des tourments d’une enfance partagée entre révolte et culpabilit­é, et où la déchéance d’un père autoritair­e, dans « la Mort d’un père » (tome 1), suscitait une évocation aussi longue qu’appuyée. Dans « Aux confins du monde » (le tome 4), Knausgaard raconte son installati­on dans un village du cercle Arctique où il a choisi, à 18 ans, d’enseigner et d’écrire. La recette est la même : raconter en dix phrases ce qui pourrait tenir en dix mots. Voici donc notre Robinson moderne (par le physique) échoué à Hafjord, sympathiqu­e bourgade où le supermarch­é local reçoit bientôt sa visite. Il s’agit de parer au plus pressé, l’alcool donc, et la musique. Ayant fait l’emplette d’une chaîne Hitachi et d’une bouteille de vodka Koskakorva, le narrateur peut se concentrer sur une collègue, en salle des profs. Torill est en train de se préparer une tartine. Elle se penche pour ouvrir le frigo : « Je regardai ses cuisses bien moulées et son postérieur. Il était large mais pas trop large, au contraire, tellement féminin dans ses courbes et ses pleins. » Et il faut encore qu’il en rajoute, jamais rassasié de sa lamentable prose : « Que ce devait être formidable de coucher avec elle, de sentir ces cuisses et ce postérieur contre son corps. Oh mon Dieu. De la pénétrer. Oh Seigneur. Oh. Ses seins dans mes mains ! Oh, ne serait-ce que sa peau ! » Plus loin, notre queutard remet ça. Cette fois, elle s’appelle Irene, et elle a aussi de quoi charmer Karl Ove. On connaît maintenant son style lyrico-pornograph­ique : « Oh, mon Dieu, qu’ils étaient gros et superbes » (ses seins). Mais patatras : l’éternel tombeur a une panne, qui rejaillit, si l’on ose dire, sur sa prolixité littéraire. Il n’écrit plus, mais suffisamme­nt pour livrer la « cause à tout ça » : « Le fait est que je ne m’étais jamais masturbé. » 2 000 pages pour en arriver là ! Mais qu’est-ce que t’as fichu, mec ? Editeurs, un conseil: ne publiez jamais un auteur s’il n’a été, à l’adolescenc­e, abonné à « Playboy » !

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