Goodbye Vietnam

LE SYMPATHISANT, PAR VIET THANH NGUYEN, TRADUIT DE L’ANGLAIS (ÉTATS-UNIS) PAR CLÉMENT BAUDE, BELFOND, 486 P., 23,50 EUROS.

Les Vietnamiens vivent avec les fantômes, j’en sais quelque chose. Dans le foisonnant « Sympathisant » de Viet Thanh Nguyen, prix Pulitzer 2016, il y en a toute une cohorte. Les morts de la guerre. Les exilés, aussi, fantômes d’eux-mêmes dont les montres indiquent pour toujours l’heure de Saigon. Pourtant, ce roman épique sur la guerre du Vietnam est férocement drôle. C’est la confession d’un agent double, envoyé aux Etats-Unis pour s’infiltrer parmi les réfugiés. Il sera embauché sur le tournage d’un film qui ressemble fort à « Apocalypse Now », comme « consultant en authenticité ». Des pages hilarantes racontent comment des bataillons de figurants vietnamiens sont appelés à mourir plusieurs fois devant la caméra, en tenant des saucisses crues qui représentent leurs intestins. Puis dans une débauche d’effets spéciaux, un cimetière de cinéma s’enflamme, bouleversant le narrateur comme si, une nouvelle fois, étaient tués ses morts… « Les guerres se livrent deux fois, une fois sur le champ de bataille, une deuxième fois dans la mémoire », écrit Nguyen. C’est si vrai.