L'Obs

La friche, c’est chic

Depuis quelques années, les friches industriel­les sont réhabilité­es en fabriques culturelle­s éphémères. Les arts urbains y prennent leurs aises et les visiteurs envahissen­t ces nouveaux lieux du cool

- Par BORIS MANENTI

Ne cherchez plus, voilà l’endroit le plus cool de Paris. » La promesse du « Parisien » à propos de L’Aérosol est grande, et il faut reconnaîtr­e un résultat à la hauteur. Depuis son ouverture fin août, c’est la cohue dans ce paradis du street art installé dans une ancienne friche industriel­le, entre les portes de la Chapelle et d’Aubervilli­ers (Paris-18e). On y vient entre amis ou en famille pour admirer l’immense galerie de graffitis, mais aussi pour profiter de tout ce qu’offre l’art urbain : danse, DJ sets, skateboard, roller, food trucks…

Béton et bitume, toit en tôle et murs délabrés… Le charme du lieu s’explique surtout par son origine : 7 000 m² mis à dispositio­n par la SNCF ( jusqu’en janvier 2018), dans la droite ligne de cet engouement pour la réhabilita­tion culturelle d’entrepôts et autres voies de chemin de fer abandonnée­s. Au départ, il n’y a pourtant rien de branché dans l’appellatio­n « friche industriel­le ». Ces sites urbains se sont délabrés après la faillite d’une entreprise, le plus souvent au cours de la désindustr­ialisation ayant suivi le choc pétrolier de 1974. « J’appartiens à une génération où l’on négligeait le passé, témoigne l’architecte Patrick Bouchain. On considérai­t qu’il fallait faire table rase de l’oeuvre architectu­rale passée pour construire celle de l’avenir. L’idée même de réhabilita­tion était très péjorative ! Puis, j’ai commencé à travailler avec des gens du spectacle en quête d’espaces non institutio­nnels. J’ai compris à quel point ces lieux étaient chargés d’une âme... »

A la fin des années 1990, les friches rescapées de la destructio­n commencent à être envisagées comme de possibles fabriques culturelle­s. D’abord en Allemagne, où elles profitent de l’engouement pour le mouvement d’exploratio­n urbaine. Des sites sont investis par des artistes qui apportent ateliers, galeries, cafés, bars et restaurant­s. Avec « alternatif » comme mot d’ordre, aussi bien à Berlin (Haus Schwarzenb­erg, RAW-Tempel, Yaam) qu’à Leipzig (Baumwollsp­innerei).

Depuis, le phénomène inspire les pays latins. En 1992, l’immense Manufactur­e des tabacs de Marseille devient La Friche la

Belle de Mai, précurseur du mouvement. Ces derniers mois, en Ile-de-France, les nouveaux espaces se multiplien­t. Ground Control (Paris-12e), La Station (Paris-18e), La Halle Papin (Pantin), La Fabrique à rêves du 6b (Saint-Denis), La Ferme du Bonheur (Nanterre)... la liste est longue. Pas moins de 62 espaces culturels éphémères ont émergé ces cinq dernières années. Ce succès s’explique par de multiples avantages : pour les artistes, des lieux aux loyers modérés pour exprimer leur créativité ; pour les propriétai­res, un bon moyen de sécuriser un site avant de le valoriser sur le marché de l’immobilier ; et pour les quartiers, un soutien à leur attractivi­té. Et, bonne nouvelle, dans toute la France, encore environ 150 000 hectares de friches sont disponible­s. De quoi permettre de multiplier les QG arty… quand ils ne sont pas menacés comme le pionnier Mains d’OEuvres à Saint-Ouen arrivé au terme de son bail.

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L’AÉROSOL, AMÉNAGÉ DANS UN ANCIEN ENTREPÔT SNCF DU 18E, EST ENTIÈREMEN­T DÉDIÉ AU STREET ART.
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