L'Obs

Des graffitis au-dessus de l’assiette

Longtemps le street art est resté dans la rue, cantonné, comme la street food, à l’éphémère. Après s’être exposé en galerie, il s’invite désormais dans les salles de prestigieu­x restaurant­s

- Par ALEXANDRA MICHOT

Cet été, L’Aérosol, ancien entrepôt de la SNCF, a o ert ses murs aux gra eurs et ses extérieurs aux food trucks. Tables et chaises bombées ont accueilli les visiteurs venus si er une bière ou grignoter l’un des en-cas proposés par les camions de fish&chips, crêpes et autres burgers bio. A Paris, street art rime encore avec street food et le béton brut des friches industriel­les.

A l’étranger, en revanche, le mariage est de tout autre nature. Le street art est déjà entré au musée. Et on ne compte plus les villes qui invitent les artistes les plus réputés à investir leurs murs lors de festivals tant cet art urbain est devenu un atout touristiqu­e majeur. Ce phénomène a aiguisé l’appétit des restaurate­urs qui commencent à ouvrir grand leurs portes aux gra tis, tags, pochoirs et collages.

Ainsi, Bibo, très belle table de cuisine française à Hongkong et membre des Relais & Châteaux, fut le premier établissem­ent à miser sur le street art en invitant les stars de la discipline à investir les murs, les couloirs, le bar et la bibliothèq­ue d’un vieux bâtiment des années 1930. Les oeuvres de Banksy, D*Face ou Vhils attirent d’abord les amateurs au bar pour siroter un verre. Mais le chef de cuisine, Conor Beach, a aussi du talent à revendre. L’adresse a beaucoup fait parler. Et a probableme­nt inspiré le restaurant Vandal qui a ouvert l’an passé à New York. Le chef Chris Santos souhaitait amener le meilleur de la street food « dans un cadre plus appétissan­t ». Sa carte o re un mélange des nourriture­s urbaines le plus en vogue dans quatre espaces décorés d’oeuvres majeures réalisées in situ par Apex, Obey, Eelus ou encore Hush. Le phénomène commence à pointer son nez en Europe. Depuis février dernier, Amsterdam a aussi son « street art restaurant » : De Bajes. Là encore la crème des artistes urbains (D*Face, The London Police, Ben Eine, Laser 3.14…) a été conviée à décorer les lieux proposant un restaurant, un bar à bières artisanale­s et des DJ sets.

A ceux qui verraient la présence du street art dans ces établissem­ents comme un simple gadget marketing, on peut rétorquer qu’il s’agit avant tout d’une a aire de passionnés. Si le célèbre chef brésilien Alex Atala a demandé à l’artiste Derlon Almeida de décorer un mur de son restaurant Dalva e Dito, dédié aux recettes de grand-mères, c’est parce que les oeuvres d’Almeida rendent hommage à la culture traditionn­elle du nord-est du Brésil. Street art et cuisine, même gastronomi­que, ont ceci en commun qu’ils peuvent faire passer des messages et défendre une culture. Qu’elle soit traditionn­elle ou alternativ­e.

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D*FACE A SIGNÉ L’UNE DES PLUS GRANDES FRESQUES DU RESTAURANT DE BAJES, À AMSTERDAM.

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