Des graffitis au-dessus de l’assiette
Longtemps le street art est resté dans la rue, cantonné, comme la street food, à l’éphémère. Après s’être exposé en galerie, il s’invite désormais dans les salles de prestigieux restaurants
Cet été, L’Aérosol, ancien entrepôt de la SNCF, a o ert ses murs aux gra eurs et ses extérieurs aux food trucks. Tables et chaises bombées ont accueilli les visiteurs venus si er une bière ou grignoter l’un des en-cas proposés par les camions de fish&chips, crêpes et autres burgers bio. A Paris, street art rime encore avec street food et le béton brut des friches industrielles.
A l’étranger, en revanche, le mariage est de tout autre nature. Le street art est déjà entré au musée. Et on ne compte plus les villes qui invitent les artistes les plus réputés à investir leurs murs lors de festivals tant cet art urbain est devenu un atout touristique majeur. Ce phénomène a aiguisé l’appétit des restaurateurs qui commencent à ouvrir grand leurs portes aux gra tis, tags, pochoirs et collages.
Ainsi, Bibo, très belle table de cuisine française à Hongkong et membre des Relais & Châteaux, fut le premier établissement à miser sur le street art en invitant les stars de la discipline à investir les murs, les couloirs, le bar et la bibliothèque d’un vieux bâtiment des années 1930. Les oeuvres de Banksy, D*Face ou Vhils attirent d’abord les amateurs au bar pour siroter un verre. Mais le chef de cuisine, Conor Beach, a aussi du talent à revendre. L’adresse a beaucoup fait parler. Et a probablement inspiré le restaurant Vandal qui a ouvert l’an passé à New York. Le chef Chris Santos souhaitait amener le meilleur de la street food « dans un cadre plus appétissant ». Sa carte o re un mélange des nourritures urbaines le plus en vogue dans quatre espaces décorés d’oeuvres majeures réalisées in situ par Apex, Obey, Eelus ou encore Hush. Le phénomène commence à pointer son nez en Europe. Depuis février dernier, Amsterdam a aussi son « street art restaurant » : De Bajes. Là encore la crème des artistes urbains (D*Face, The London Police, Ben Eine, Laser 3.14…) a été conviée à décorer les lieux proposant un restaurant, un bar à bières artisanales et des DJ sets.
A ceux qui verraient la présence du street art dans ces établissements comme un simple gadget marketing, on peut rétorquer qu’il s’agit avant tout d’une a aire de passionnés. Si le célèbre chef brésilien Alex Atala a demandé à l’artiste Derlon Almeida de décorer un mur de son restaurant Dalva e Dito, dédié aux recettes de grand-mères, c’est parce que les oeuvres d’Almeida rendent hommage à la culture traditionnelle du nord-est du Brésil. Street art et cuisine, même gastronomique, ont ceci en commun qu’ils peuvent faire passer des messages et défendre une culture. Qu’elle soit traditionnelle ou alternative.