Italie
Les législatives se tiendront au printemps 2018. Et surprise, dans les sondages, c’est une coalition emmenée par l’ancien président du Conseil qui ferait rempart au populisme du Mouvement 5 Etoiles. Même à gauche, on se dit prêt à voter pour lui
Au secours, Berlusconi revient !
Ventre plat, menton arrondi, sourire élastique, cheveux à peine gominés, à la une du journal « Chi », l’équivalent de « Closer », Silvio Berlusconi est méconnaissable. Après quarante-cinq jours d’une vie monacale dans un luxueux centre de bien-être, sans l’ombre d’une escort girl ou d’une fête « bunga-bunga », l’ancien président du Conseil italien apparaît bronzé et reposé. En pleine forme même ! « Je sens le parfum de la victoire ! », confie Berlusconi à l’hebdomadaire. On pensait être débarrassé du Trump italien, relégué aux rangs des mauvais souvenirs. Eh bien, non. A tout juste 81 ans, il n’hésite pas à annoncer son retour en politique. Au secours, Berlusconi revient !
Qui aurait pu imaginer une telle remise en selle? Chassé du pouvoir en novembre 2011, condamné deux ans plus tard pour fraude fiscale, il est déchu de son mandat de parlementaire et devient inéligible; Silvio Berlusconi, de toute évidence, n’avait plus la baraka. Vente du Milan AC, versement de 1,4 million d’euros par mois à son ex-femme, rupture du contrat de rachat de sa télé payante par Vincent Bolloré, le Cavaliere allait de déboires en mauvaises nouvelles. Jusqu’à subir une opération cardiaque l’an passé.
Alors comment l’homme a-t-il mitonné son comeback? Au printemps, il s’est doté d’une nouvelle stratégie de com, inaugurée à Pâques avec des photogra- phies en compagnie d’agneaux blancs qu’il caressait amoureusement. Le « caïman » est devenu l’ami et le protecteur proclamé des animaux innocents. Résultat : alors que les élections législatives se tiendront au printemps 2018, « Berlu » remonte dans les sondages, qui lui accordent un inattendu 35%. Berlusconi est certes inéligible personnellement, mais il retrouve une image de chef de file, à condition de reconstituer sa coalition de droite avec les régionalistes de la Ligue du Nord et les nationalistes de Fratelli d’Italia. En face, les démocrates de Matteo Renzi plafonnent à 26%.
Mais la vraie question angoissante, qui pèse sur la campagne électorale, est celle de la percée des populistes du Mouvement 5 Etoiles de Beppe Grillo, qui atteignent actuellement 25%. Les Italiens pourront-ils à leur tour, après les Néerlandais, les Français et les Autrichiens, dire majoritairement non au populisme? L’extravagante originalité de la situation italienne, c’est que nul autre que ce bon vieux Cavaliere ne semble pouvoir contenir la vague montante du Mouvement 5 Etoiles. Tous les journaux sont d’accord : Berlusconi est le meilleur rempart. Le quotidien « Il Foglio » par exemple oppose le « populisme trivial » du Mouvement 5 Etoiles au « bon populisme » de Berlusconi. Pourquoi « bon »? « Parce que, même s’il a été démagogique, cet homme n’est ni anti-européen, ni xénophobe, ni hostile au marché », a rme son directeur, Claudio Cerasa. Et d’ajouter, provocateur, qu’il faudrait remplacer la célèbre une de « The Economist », qui saquait Berlusconi en le déclarant « unfit to rule Italy » (« incapable de diriger l’Italie ») par « Why Berlusconi is fit to save Italy » (« Pourquoi Berlusconi peut sauver l’Italie »).
Mais le plus surprenant est ailleurs : la gauche ellemême soutiendrait Berlusconi… La base du Parti démocrate se dit, à voix basse, en levant les yeux au ciel et comme en s’excusant, qu’« il vaut mieux se retaper Berlusconi au Palazzo Chigi plutôt que les “grillini” », car « lorsqu’on a le choix entre deux incompétences, mieux vaut celle qui a déjà fait ses preuves ». Résultat : comme il n’y a pas de second tour dans le système électoral italien, des voix démocrates pourraient se porter sur le plus honni, méprisé, vilipendé et vomi des adversaires d’autrefois : « Sua Emittenza ». Ce serait pour Berlusconi la plus savoureuse des revanches.