L'Obs

Parades incestueus­es

LE CORPS DES BÊTES, PAR AUDRÉE WILHELMY, GRASSET, 200 P., 17,50 EUROS.

- ÉLISABETH PHILIPPE

Il paraît que la romancière québécoise Audrée Wilhelmy est née en 1985. Mais elle semble avoir vu le jour en des temps bien plus reculés tant ses livres portent en eux quelque chose d’ancestral. Après avoir subverti le conte de Barbe Bleue (« les Sangs », 2013), la jeune auteure convoque « les Métamorpho­ses » d’Ovide, le mythe de Salomé et la Genèse. « Le Corps des bêtes » se déroule à une époque indéfinie, dans un lieu liquide et gris qui rappelle les marines flamandes du xviie siècle. La famille Borya a quitté la ville pour s’installer dans un phare, loin de toute civilisati­on, dans un monde de totems sans tabous. Au sein du clan, le désir circule en vase clos, incestueux, primitif. Osip désire Noé, la femme de son frère. Et Mie, 12 ans, attend dans son lit qu’Osip, son oncle, vienne la prendre. Parfois, l’esprit de la fillette s’évade et emprunte le corps d’une loutre, d’une grue ou d’un ours. Façon d’échapper à cette existence sans horizon autre que la mer infinie, cette vie aux confins de la bestialité. De sa prose précieuse émaillée de mots rares, Audrée Wilhelmy repousse la frontière entre l’humain et l’animal, sonde ce qu’il subsiste de sauvage en nous. Dans notre chair même.

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