“Guernica” à Paris
GUERNICA, MUSÉE PICASSO, PARIS-4E ; WWW.MUSEEPICASSOPARIS.FR. JUSQU’AU 29 JUILLET. CATALOGUE DE L’EXPO, MUSÉE PICASSO/GALLIMARD, 320 P., 42 EUROS.
Comment réussir une exposition consacrée à un chef-d’oeuvre que l’on ne peut pas présenter? Le Musée Picasso à Paris a relevé le défi en réunissant tableaux, dessins, photos et documents qui relatent la naissance et le parcours de « Guernica », toile peinte en 1937 par Picasso (ci-dessous au travail dans son atelier), au lendemain du bombardement du village de Gernika par l’aviation allemande. Réputée fragile, l’oeuvre n’a pas quitté le Museo nacional Centro de Arte Reina Sofia à Madrid depuis 1981. Son absence est atténuée par la richesse d’une présentation qui « reconstruit » cette icône de la lutte contre la barbarie. D’abord, en contextualisant son élaboration par des affiches, des extraits de films, des lettres, des journaux qui témoignent de la guerre civile espagnole, de ses combats et de ses violences. L’élaboration du tableau est retracée grâce aux photos prises par Dora Maar, amante et muse de Picasso. Ses sources iconographiques sont documentées à travers les motifs ou influences d’autres artistes (comme les gravures d’André Masson, Valentine Hugo) et les propres recherches du peintre espagnol. Le laboratoire picassien est infini, mais il est peuplé ici de figures récurrentes (le Minotaure, le cheval, la femme qui pleure, l’enfant mort), éléments d’un langage pictural au service d’une cause : la lutte contre le franquisme. L’exposition dépasse le propos de l’oeuvre puisqu’elle fait place à sa relecture par des artistes contemporains comme Robert Longo, Jérôme Zonder, Damien Deroubaix (qui signe une impressionnante version gravée sur bois du tableau), et l’Irakien Dia al-Azzawi – qui représente les massacres des camps de Sabra et Chatila. « Guernica » n’est pas là? Dans le monde actuel, Gernika n’est jamais bien loin.