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Fondé en 2014 par un trio de collectionneurs superactifs Lin Han, Wanwan Lei et Michael Xufu Huang dans le quartier le plus arty de Pékin (le 798 Art District), le musée privé M Woods ouvre ses portes à la jeune garde digitale explorant les liens entre esthétique postinternet et exaltation sensorielle.
Amalia Ulman la plus jeune artiste exposée à la Tate Modern présente douze photographies issues de sa série Excellence and Perfections dans laquelle elle se mettait en scène sur Instagram dans une trilogie de personnages féminins stéréotypés, brouillant les limites entre représentation et incarnation factice. A travers une démarche ambiguë, dont l'artificialité ne sera révélée qu'à l'issue de sa performance, Amalia Ulman nouera un pacte faustien avec ses milliers de followers. Qui se cache derrière ses poses calculées à l'érotisme trop évident, aimantant les regards et les détestations ? Son approche à la fois pop et perverse n'est pas sans rappeler les doubles cinématographiques de Cindy Sherman ici pris dans le prisme des vanités liquides contemporaines. Les surfaces fluides et évanescentes sont aussi au coeur de la pratique de Pamela Rozenkranz, qui après avoir liquéfié la couleur moyenne de la peau des personnes originaires d'Europe centrale sous forme de lac rose poudré, teste notre réceptivité à des phéromones synthétiques à la fondation Prada poursuit ses investigations sensibles avec Look Deeper capturant dans des bouteilles d'eau minérale réfrigérées des variations chromatiques et cutanées, satirisant d'un même coup le marché du bien-être et l'obsession publicitaire pour la pureté.
Cette approche physique, jamais loin de l'immatérialité, engage de la même manière les précipités de Sean Raspet qui reconstruit en négatif la formule du Coca Cola. Tantôt spirituels sous le patronage d'Yves Klein, tantôt empiriques dans l'esprit des laboratoires agroalimentaires, les artistes nous invitent à dépasser les apparences, à contrecarrer notre cécité. Yngve Holen quant à lui poursuit ses recherches sur l'érotique des formes industrielles. Enfant terrible de la scène berlinoise, il s'était fait remarquer l'année dernière en concluant son exposition à la Kunsthalle de Basel par une Porsche disséquée au laser. Sculpture magistrale, elle présentait au spectateur la carcasse froide de notre veau d'or moderne. Oscillant entre un fétichisme pour les carrosseries emprunté à J.G Ballard et la fascination pour les formes aérodynamiques de la globalité chéries par Tesla, l'artiste transforme surfaces de carbones, hublots d'avions et phares de scooters en reliques contemporaines dédiées à un hermès fuselé. Des froissements de métal aux plis cutanés, cette exposition est aussi marquée par la présence de The Institute for New Feeling. Fondée par Scott Andrew, Agnes Bolt, et Nina Sarnelle, cette clinique pastiche le culte californien pour le bien-être et la paix intérieure. Les promesses de cet institut hors-normes sont elles-mêmes séraphiques : renouveler notre idée de la jouissance. D'ailleurs, quoi de plus normal pour une exposition qui fait la part belle à l'idée de mutation que d'emprunter son titre à l'homme de fer du fameux conte de Lyman Frank Baum, Le Magicien d'Oz. Nul doute que cette adaptation, colorée par l'intérêt de Michael Xufu Huang pour le courant de l'art post-internet, ne marque un pas de plus pour l'accession de ce jeune musée dans le royaume des grands.
M Woods Museum, D-06, 798 Art Zone, No. 2 Jiuxianqiao Road, Chaoyang District, Pékin 100015.