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Loi Doubin : donner au franchisé les outils pour s’engager
“EN 1989, François Doubin, alors ministre du commerce, s’intéresse à la franchise. Ce système est apparu en France depuis près de deux décennies et a fait parler de lui au travers de quelques scandales retentissants. François Doubin fait alors adopter une loi dont le but est d’imposer aux franchiseurs de fournir à leurs futurs partenaires des informations suffisantes afin que ceux-ci s’engagent en toute
connaissance de cause”, rappelle Monique Ben Soussen, fondatrice du cabinet BSM Avocats. Codifiée à l’article L. 330-3 du Code de commerce, la Loi Doubin dispose : “Toute personne qui met à la disposition d’une autre personne un nom commercial, une marque ou une enseigne, en exigeant d’elle un enga- gement d’exclusivité ou de quasi-exclusivité pour l’exercice de son activité, est tenue, préalablement à la signature de tout contrat conclu dans l’intérêt commun des deux parties, de fournir à l’autre partie un document donnant des informations sincères, qui lui permette de s’engager en connaissance de cause.” La loi prévoit un délai d’au moins 20 jours entre la remise des informations légales regroupées dans le DIP et la signature du contrat de franchise ou le versement de toute somme d’argent. “Le franchisé ne devant pas craindre de prendre tout le temps qu’il estime nécessaire à la réflexion avant de signer”, précise Anne-Cécile Benoit, associée au cabinet BMGB Avocats.
S’assurer de la stabilité et de la solidité du réseau
Détaillés dans l’article R. 330-1 du Code de commerce, les renseignements inclus dans le DIP concernent essentiellement le franchiseur lui-même, ses dirigeants et le
concept commercialisé énumère Monique
Ben Soussen. “L’idée initiale du législateur était de permettre au futur franchisé d’apprécier la rentabilité du concept. Dans ce but le franchiseur doit fournir ses deux derniers bilans et la liste des franchisés en activité, mais aussi de ceux qui ont cessé l’exploitation dans l’année précédant la remise du DIP.” Des éléments qui, pour elle, ne sont pas suffisamment éclairants. “La communication des bilans du franchiseur n’est pas une information pertinente : il existe des franchiseurs très prospères, avec une forte notoriété, alors que leurs franchisés tirent le diable par la queue et l’inverse est également possible.” Selon elle, le seul critère valable est la rentabilité des franchisés en activité : “Or la loi ne prévoit malheureusement pas la communication des bilans de ces derniers et pas même celle de leurs chiffres d’affaires.” Pour pallier ces lacunes, Anne-Cécile Benoît recommande de se rapprocher des franchisés existants pour obtenir des informations sur
“L’idée initiale du législateur était de permettre au futur franchisé d’apprécier la rentabilité du concept.”
leur santé financière, en ne se limitant pas à ceux indiqués par la tête de réseau. Elle conseille également d’étudier la présentation détaillée de l’histoire du réseau afin d’en vérifier la stabilité. ”Un nombre important de renouvellements signifie normalement la satisfaction des franchisés et la réussite du concept. À l’inverse, le franchisé doit faire attention lorsqu’il y a peu de renouvellements ou un nombre élevé de sorties par rapport à la taille du réseau”, ajoute-t-elle. Autre sujet de vigilance pour Anne-Cécile Benoit, la présentation de l’état général et local du marché , ainsi que de ses perspec
tives de développement. “Il est regrettable pour les franchisés que la loi Doubin ne soit pas plus précise à ce sujet, plusieurs décisions considérant que le franchiseur n’a pas à fournir une réelle étude de marché mais seulement quelques données démographiques et une liste de ses concurrents”. Or, ajoute Anne
Cécile Benoit, “seule une véritable étude de
marché permet de vérifier la faisabilité de l’opération et le candidat à la franchise n’a pas à sa portée d’éléments suffisants pour réaliser
une telle analyse.” Cette dernière considère au contraire que l’association par le législateur d’une présentation des perspectives de développement du marché à la présentation de l’état du marché signifie que c’est bien une étude du marché qui doit être fournie. “La Cour de Cassation n’a pas suivi cette interprétation : elle précise clairement qu’il appartient au candidat franchisé, s’il l’estime utile, de réaliser une étude de marché”, tranche Olivier Deschamps, avocat chez Linkéa Avocats, qui estime que l’esprit de la loi a pour finalité essentielle de “responsabiliser le franchisé et non de faire peser sur le franchiseur une obligation de résultat déguisée.” Ce dernier
invite donc les franchisés à “analyser, voir un expert-comptable, se comporter en consommateur dans un établissement de l’enseigne, rencontrer des franchisés, consulter un avo- cat…” Des recommandations d’autant plus utiles que si le non-respect de la loi Doubin par le franchiseur peut entraîner la nullité du contrat, le franchisé doit auparavant démontrer que son consentement a été vicié lors de la signature du contrat de franchise. Un problème de plus en plus crucial ces dernières années selon Monique Ben Soussen. “Au cours des vingt premières années qui ont suivi sa promulgation, le franchiseur qui avait trompé son futur partenaire était sanctionné et le juge prononçait soit l’annulation du contrat soit sa résiliation aux torts du franchiseur. Or depuis quelques années, l’appréciation de certains juges a évolué et ils exigent aujourd’hui du franchisé que celui-ci apporte la preuve qu’il n’aurait pas contracté s’il avait eu connaissance des faits qu’il reproche au franchiseur de lui avoir cachés !”, s’insurge-t-elle. Une réalité qui invite le futur franchisé à redoubler de vigilance.