LES RÉSEAUX DE DISTRIBUTION FACE AU COMMERCE EN LIGNE
En 2017, la vente sur Internet aurait progressé de 14 % selon une étude de la FEDEV1, représentant environ 81,7 milliards d’euros. Ces nouveaux modes de consommation remettent fondamentalement en question l’équilibre des réseaux de distribution, contraint
Les conseils de l’expert juridique Par Sophie Bienenstock, avocat au Barreau de Paris
La fin de l’exclusivité territoriale ?
Le système de la franchise repose sur l’octroi par le franchiseur d’une zone d’exclusivité, ce qui permet à chaque franchisé d’avoir une “chasse gardée” de clients. La vente sur Internet remet fondamentalement en question ce fonctionnement puisque franchiseur et franchisé peuvent vendre par Internet des produits sur n’importe quel territoire. Il convient dans un premier temps de distinguer entre vente active et vente passive : la vente active désigne le fait de démarcher des clients (campagne d’e-mailing, distribution de flyers, publicité locale, etc.) tandis que la vente passive consiste à répondre à une demande spontanée. Selon le règlement d’exemption européen2, la tête de réseau peut uniquement interdire les ventes actives dans le cadre d’un réseau de distribution exclusive. Aucune interdiction (qu’il s’agisse de vente active ou passive) n’est en principe autorisée dans un réseau de distribution sélective. Concrètement, cela signifie qu’un franchisé ne peut pas faire de la publicité en dehors de sa zone d’exclusivité, mais qu’il pourra répondre à la demande spontanée d’un client qui serait basé en dehors de cette zone. En ce qui concerne la vente par le franchiseur, la jurisprudence estime qu’il peut proposer sur Internet des produits identiques à ceux vendus par les franchisés. Ces derniers versent pourtant une redevance en contrepartie de l’exclusivité territoriale… Cette concurrence est d’autant plus redoutable que le franchiseur a des charges beaucoup plus faibles et des conditions d’approvisionnement plus favorables.
Le maintien de l’homogénéité du réseau
La vente par Internet représente aussi un risque d’atteinte à l’homogénéité du réseau, dès lors que les membres du réseau prennent la liberté de créer leur propre site. Des têtes de réseau ont alors tenté d’interdire purement et simplement la vente sur Internet par les distributeurs, en arguant de la nécessité de préserver l’image de marque. Néanmoins, la Cour européenne a estimé que la volonté de “préserver l’image de marque ne saurait constituer un objectif légitime permettant d’interdire la vente sur Internet3”. Si le franchiseur ne peut pas interdire la vente par Internet, il peut en revanche l’encadrer. La tête de réseau a la possibilité d’imposer le respect des normes du réseau : charte graphique, code couleur, charte qualité, politique d’échange, etc. Par ailleurs, le franchiseur peut encadrer les supports utilisés par les membres du réseau. Il est notamment fréquent que les franchisés soient référencés sur le site Internet du franchiseur, ce qui permet de centraliser les commandes tout en préservant l’homogénéité du réseau. En conclusion, la vente sur Internet est devenue incontournable. Elle représente une menace pour les franchisés, qui sont concurrencés sur leur propre territoire non seulement par les autres membres du réseau, mais surtout par la tête de réseau. L’appréciation d’une implantation doit prendre en compte non seulement la concurrence des autres boutiques mais aussi la concurrence qui sera faite par la tête de réseau.
1 Fédération du e-commerce et de la vente à distance 2 Article 4 du règlement européen d’exemption n°330/2010 du 20 avril 2010 3 CJUE 13.10.2011, affaire C439/09