EMPLACEMENT : FAUT-IL INNOVER À LA PLACE DU FRANCHISEUR ?
Et si j’ouvrais dans un type d’emplacement où mon franchiseur n’a jamais ouvert ?
Les conseils de l’expert marketing Par Laurent Kruch, président et fondateur de Territoires & Marketing
Un franchisé (ou équivalent) est un commerçant indépendant sous enseigne. On ne le répètera jamais assez. C’est d’ailleurs une situation finalement paradoxale. En effet, à ce titre, vous êtes à la fois un commerçant libre de vos décisions, de vos investissements, de vos embauches, de fixer vos horaires d’ouverture, vos prix, vos remises, de communiquer sur les supports de vos choix, etc. Mais, vous êtes également sous enseigne et à ce titre, sous contrat. Ce qui signifie que vous êtes dans une sorte de liberté contrôlée, et parfois peu surveillée… Comme cette liberté est parfois peu surveillée, certains franchisés font preuve d’initiatives, de libertés qui peuvent contrevenir aux normes du réseau, à ses règles, mais sans pour autant que ça n’émeuve ou ne dérange votre franchiseur qui y trouvera probablement quelques bonnes idées qu’il souhaitera récupérer. Disons d’une certaine manière que c’est un mal pour un bien. Qu’en est-il quand le franchisé (déjà en place), voire un nouveau franchisé qui souhaite ouvrir un point de vente avec une enseigne, mais dans un contexte où l’enseigne n’a jamais ouvert auparavant ? Comme si un spécialiste des emplacements de centre commercial voulait ouvrir en centre-ville, ou un spécialiste du centre-ville se mettait en tête d’ouvrir dans un Retail Park ?
Qui pilote ?
À première vue, où est le problème finalement ? N’est-on pas dans l’exercice pur et simple du commerce où celui qui a l’initiative va peut-être rafler la mise ? En fait, oui et non. Oui, quand il s’agit du franchiseur qui, à ses frais, et à son initiative, s’essaie dans un type d’implantation nouvelle. Oui, si c’est un pur projet de succursale qui n’a pas obligatoirement vocation à suivre le modèle des unités pilote ou de la franchise. Oui aussi s’il s’agit de réellement expérimenter un nouveau business model d’implantation qui pourrait donner le jour à de nouveaux pilotes qu’on pourrait lancer plus tard en franchise une fois confirmée la rentabilité, puis la capacité à réitérer le succès. Donc, non quand il s’agit de faire porter par un candidat franchisé, qui plus est primo accédant à la franchise, n’ayant jamais ouvert d’unité avec l’enseigne, le poids du risque, des investissements nouveaux et de l’aménagement du business model des pilotes dans le nouveau format ou la nouvelle typologie d’implantation. La franchise doit être perçue comme la réitération d’un modèle de points de vente qui ont fait leurs preuves et qui ont permis au franchiseur de bâtir son réseau qui est piloté par les normes, les règles, les process et le manuel opératoire qu’il met en place. Dès qu’un franchiseur, même très expérimenté, ouvre dans de nouvelles conditions, il lui appartient de faire la démonstration de la faisabilité, de la rentabilité et de la pérennité de son concept dans une nouvelle typologie d’implantation. Dans la réalité, certains franchisés ne sont pas patients, voire parfois impétueux et emportés par la vitesse acquise se prennent un peu pour le franchiseur qu’ils trouvent trop attentiste et n’allant pas assez de l’avant. Tout cela ne poserait pas de problème si les ouvertures d’un nouveau genre pilotées par un franchisé étaient toutes couronnées de succès. Mais, c’est rarement le cas. En tout cas, pas sans l’intervention du franchiseur qui doit finalement mettre à disposition de ce nouveau projet tout son savoir-faire pour accompagner le point de vente dans la réalité. Alors oui, on peut se dire que, finalement, le franchisé a eu raison de pousser son franchiseur à le suivre dans cette opération, mais pour autant, on n’a pas suivi le cours normal des choses. Et il en reste souvent des pertes financières, de la rancoeur et ce sentiment assez néfaste à la cohésion du réseau que le franchiseur a été dépassé par son franchisé. Or, c’est un point de vigilance qu’il ne faut pas négliger : le franchiseur doit être au pilotage des initiatives de son réseau, voire les devancer pour s’assurer du respect et de la légitimité qu’est la sienne en tant que développeur de sa propre enseigne.