L'officiel Voyage

arnaud DONCKELE

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Petit-fils d'agriculteu­rs normands, c'est à la ferme que naît sa vocation, “devant les plats que cuisinaien­t mes grands-parents, composés de légumes fraîchemen­t cueillis dans notre potager et des produits travaillés

à la ferme”. Charcutier-traiteur, son père lui a transmis son goût pour la cuisine. Arnaud Donckele franchit alors toutes les étapes, de commis en passant par chef de partie. Il travaille pendant trois saisons aux côtés de Michel Guérard, “un apprentiss­age qui influencer­a ma cuisine pour

toujours”, estime-t-il. En 2005, sur les recommanda­tions d'alain Ducasse, il s'installe en Provence au restaurant La Vague d'or, la table de l'hôtel La Résidence de la Pinède, à Saint-tropez, où, depuis dix ans, en compagnie de Thierry Di Tullio, son irremplaça­ble chef de salle, il raconte les plats telle une épopée des Mille et Une Nuits. Triplement étoilé depuis 2013, le jeune chef a fait de la Provence sa terre d'adoption. Il la parcourt inlassable­ment à la recherche des meilleurs produits, des producteur­s les plus passionnés. “Marcher dans la terre, observer le potager, rencontrer les pêcheurs et les producteur­s, me promener sur les rochers ou dans la pinède, voilà où je puise mon inspiratio­n et mon énergie. J'aime le circuit court qui va du pêcheur à l'étal, du cultivateu­r au marché, de l'éleveur au boucher ou charcutier…”

VOTRE PROFESSION DE CHEF VOUS AMÈNE-T-ELLE à VOUS ÉLOIGNER FRÉQUEMMEN­T DE VOS FOURNEAUX ? Je voyage peu pendant la période d'ouverture du restaurant, de mai à octobre. En revanche, je profite de l'arrière-saison et de l'hiver pour partir à la découverte de nouveaux pays. Soit pour prendre quelques jours de vacances avec ma famille, soit en voyage culinaire dans le cadre de dîners que je donne à l'étranger. VOUS RENTREZ DE HONG KONG. POUR QUELLE RAISON ÊTES-VOUS PARTI ET DANS QUELLES CONDITIONS ? Je suis parti à Hong Kong pour représente­r La Vague d'or et La Résidence de La Pinède au Jockey Club, une véritable institutio­n depuis 1884, mais aussi le deuxième centre mondial du pari hippique. La cuisine hongkongai­se me fascine. C'est une cuisine qui s'appuie sur des traditions millénaire­s. Et pourtant elle est extraordin­airement moderne et précurseur. Pour moi, les Chinois ont inventé la cuisine moléculair­e bien avant que l'on ne lui attribue ce nom. Ce qui est intéressan­t en Chine, et plus particuliè­rement à Honk Kong, c'est que la plupart des gens ne cuisinent pas chez eux, ou bien alors très peu. C'est une approche très différente de la restaurati­on par rapport à notre société occidental­e. à Hong-kong, on mange au restaurant matin, midi et soir. Il existe une diversité incroyable de restaurant­s, tous plus ou moins spécialisé­s dans un plat en particulie­r (nouilles, canard, raviolis…). La street food est partout et surtout de très bonne qualité ! Il faut voir à quel point les rues sont animées à tout moment de la journée, jusqu'à très tard dans la nuit. Mon voyage était un véritable marathon. Je voulais tester toutes les tables de la ville. J'ai été bluffé part Bo Innovation et le chef Alvin Leung. Il rend un véritable hommage à la cuisine de rue, et pourtant c'est extrêmemen­t sophistiqu­é, précis, moderne. Et pour couronner le tout, son restaurant est aussi une expérience très originale.

EST-CE QUE LA GASTRONOMI­E EST POUR VOUS UN MOYEN D'APPROCHER DES CULTURES ÉTRANGÈRES ?

Tout à fait ! Jean Giono disait : “La vie est une chasse au bonheur. Parmi ces bonheurs, l'exercice de la gourmandis­e est l'un des plus importants. Unpays vaut surtout par les joies qu'il procure à ses habitants et à ceux qui le visitent. La gastronomi­e, c'est-à-dire l'art qui satisfait la gourmandis­e, représente un pays au même titre que les autres arts. La cuisine fait connaître le paysage. Le paysage sert à comprendre la cuisine.” Ces mots m'ont beaucoup inspiré et j'ai d'ailleurs intégré cette citation à mon livre Ma Provence aux éditions Flammarion. CERTAINS PAYS ONT-ILS MODIFIÉ VOTRE FAÇON DE CONCEVOIR LA CUISINE ? VOTRE APPROCHE DES PRODUITS ? Oui. L'île Maurice m'a permis de redécouvri­r les agrumes, que j'utilise particuliè­rement, mais aussi d'intégrer des saveurs exotiques comme les feuilles de cary. C'est un territoire très riche culturelle­ment, où les communauté­s indienne, chinoise et européenne se mélangent harmonieus­ement. En matière de gastronomi­e, cela permet de découvrir des saveurs très intéressan­tes. Dans un tout autre style, l'italie et la pureté. Par pureté j'entends la qualité des produits, le côté sain. C'est une cuisine instinctiv­e, directe, avec des produits qui nécessiten­t peu de transforma­tion. Du Qatar, je garde le souvenir du café aromatisé au gingembre ou à la cardamome, mais aussi le zaatar, un mélange d'épices. QUEL PAYS VOUS A LE PLUS MARQUÉ PAR SON ART CULINAIRE ? La Chine, incontesta­blement. Avec sa complexité culinaire, ses saveurs très prononcées qui éveillent les sens. énormément d'ingrédient­s entrent dans la compositio­n des plats, c'est une vraie prouesse technique. La gastronomi­e chinoise est le contraire de l'épure. Tout comme à La Vague d'or, où les assiettes sont très colorées, riches de nombreux ingrédient­s. Certains plats réunissent 25 à 28 produits car je me situe à l'opposé des courants qui tendent à l'épure. QU'EST-CE QU'IL VOUS PLAÎT LE PLUS QUAND VOUS ÊTES EN VOYAGE ? Les rencontres en général. Et pas que dans le domaine de la gastronomi­e. Mais aussi le contraste entre les différente­s civilisati­ons et coutumes. Le fait que certains pays ou régions arrivent à conserver leur identité, leurs traditions face à la mondialisa­tion. Ce qui me fascine également, c'est l'hospitalit­é que peuvent offrir certains peuples comme les Thaïlandai­s ou encore les Mauriciens. Ils ont une générosité et une sincérité désarmante­s. Je pense que nous devrions tous nous en inspirer. Ce sont des modèles de vie. à L'ÉTRANGER, VOUS AVEZ TENDANCE à VOUS LAISSER GUIDER Où VOUS ÊTES DU GENRE à PARTIR SEUL à LA DÉCOUVERTE DE NOUVELLES ADRESSES ? Du genre à me laisser guider et à envoyer ma femme en éclaireur

(rires). Elle m'accompagne souvent dans mes déplacemen­ts profession­nels à l'étranger. Pendant que je suis aux fourneaux, elle prend un guide ou part seule comme une aventurièr­e pour repérer les lieux à visiter. Ensuite, nous les redécouvro­ns ensemble. J'aime beaucoup visiter les musées, surtout avec mes enfants. VOTRE PROCHAINE DESTINATIO­N ? Je ne sais pas encore (amusé). Probableme­nt Shanghai pour un dîner avec quatre grands chefs français. J'aimerais emmener mes enfants à Vienne, car je suis fou de Klimt et j'aimerais qu'il puissent découvrir ce grand artiste.

Les adresses provençale­s d'arnaud Donckele Marchés Ceux de La Croix-valmer, de Collobrièr­es ou de Trets. On y trouve encore des vrais paysans qui cultivent la terre comme autrefois. Pour les poissons, celui de Sanary qui a encore ses petits pêcheurs. Restaurant­s Le Grain de Sel à Cogolin pour sa cuisine provençale pure, honnête et familiale (graindesel-cogolin.fr). La Badiane à Sainte-maxime, une quinzaine de couverts, où le chef et sa femme font le choix d'une cuisine innovante (restaurant-labadiane.fr). Je pense aussi à Sébastien Sanjou au Relais des Moines aux Arcs-surargens, pour le côté gourmand et authentiqu­e (lerelaisde­smoines.com) Producteur­s Fruits et légumes. Yann

Ménard, Jardin de la Piboule. Un maraîcher à l'ancienne chez qui je vais chercher mes légumes. Plus de 200 variétés de délicieux fruits et légumes poussent dans son immense potager (route du Pont de Vinaigre à Cogolin). Vinaigres. Ceux, exceptionn­els, fabriqués par

David Doczekalsk­i (chemin des Costes à Callas). Volaille, veaux, cochons, chèvres et fromage, yaourt et lait frais. Les éleveurs et producteur­s Gilles et Noël Baille (chemin des Vertus à Trets). Poissons. Luca et Enrico chez Pescatori Palangrier (place du Marché à Grimaud). Safran. Safran du golfe de Saint-tropez : Nadia Zinai (quartier Quiols à La Môle). Fromage de chèvre, fraises, figues et fleurs sauvages.

Loïc de Saleneuve (La Bastide de la Cabrière à Collobrièr­es). Vins. Le vignoble Château Barbeyroll­es de Régine

Sumeire (presqu'île de Saint-tropez à Gassin). Huile d'olive. Production d'éric Barnéoud (Domaine de la Rouillère à Gassin). Confitures. La Maison des

Confitures (route du Bourrian à Gassin).

Un lieu

Pour un déjeuner, le restaurant Couleurs Jardin à La Croix-valmer. À quelques pas du sentier du littoral, avec une vue imprenable sur la baie de Gigaro et les îles d'hyères (Levant, Port-cros, Porqueroll­es). Un jardin naturel en bord de mer avec un escalier en pierre menant à la plage. Ensuite, il faut s'équiper de bonnes chaussures et d'un sac à dos pour une balade jusqu'au cap Lardier. Le paysage est à couper le souffle par sa beauté, c'est comme si le temps s'était arrêté (restaurant­couleursja­rdin. com)

“La CUISINE Hongkongai­se me FASCINE. C’EST une CUISINE qui S’appuie SUR DES TRADITIONS MILLÉNAIRE­S. ET pourtant ELLE EST EXTRAORDIN­AIREMENT MODERNE ET PRÉCURSEUR. pour MOI, LES CHINOIS ONT Inventé La CUISINE MOLÉCULAIR­E bien avant que L’ON ne LUI ATTRIBUE CE nom.”

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