L'édito
La mode mise tout sur le présent. Photographie de son époque par définition, elle naît des goûts, penchants, besoins, rêves de ses acteurs et de ses actrices. Ici et maintenant. Elle les anticipe, les provoque parfois, c'est son rôle. Certains prétendent qu'elle va trop vite. D'autres parlent d'un éternel recommencement. Ou prônent au contraire une décélération nécessaire et saine, réfléchie. Pour parler de cet art complexe, multiple et protéiforme, nous avons voulu mettre le temps au coeur du sommaire de ce numéro double qui accueille l'été. Que ce soit le temps de l'innocence incarné par Sonia Ben Ammar, notre cover-girl millenial aux mille et une vies. Évocation du temps aussi avec les réflexions philosophiques d'un sage de 94 ans, l'architecte Yona Friedman, qui constate : “Nous avons muté en une autre espèce animale, mais nous ne le savons pas encore. (…) Il y a à la fois une incroyable accélération et un incroyable ralentissement. Cela est présent dans tous les domaines : la science, l'art et probablement la mode.” L'impact est donc global. Le rythme de nos corps (page 56), de notre travail (page 72), de nos voyages (page 122)… a changé, nous sommes en mouvement perpétuel. La mode n'y échappe pas. Lorsqu'elle décide de regarder en arrière, elle convoque les fantômes du passé et les faire revivre dans un présent recomposé, forcément différent. C'est ce qu'exprime à merveille le travail d'olivier Saillard, décrypté par ses proches : “Lorsqu'on regarde ses performances, il y a une idée de retrouver le passé sans se figer dans la nostalgie, mais en saisissant le présent”, note Lapo Cianchi, directeur de la communication et des évènements du Pitti Imagine Discovery (page 68). La mode conjugue tout au présent. Le passé et le futur sont ses moteurs, son fuel. Regardez la folie du vintage, sous l'apparence de la nostalgie se cache une farouche envie de faire durer, de recycler, d'adoucir la morsure du temps (page 118). Vous savez comment s'appelle le pire ennemi du présent ? L'absent ! Restez avec nous !