La passerelle du château restaurée à l’ancienne
En septembre prochain, le Domaine va être le théâtre d’un chantier de taille : le pont, reliant le château à la basse-cour, va être entièrement refait en chênes provenant de sa forêt. Les Charpentiers ont abattu les arbres mercredi dernier.
Mercredi 14 février, la forêt du Domaine d’Harcourt était silencieuse. Pas un son de tronçonneuse, pas un bourdonnement d’engin à moteur vrombissant au coeur de la nature. Pourtant, toute la presse régionale avait été conviée pour un événement de taille : l’abattage de 14 chênes, pour permettre la reconstruction intégrale du pont (de 20 mètres) qui relie le château à la basse-cour.
Le mystère a vite été résolu : s’il n’y avait pas un bruit, c’est qu’il n’y avait pas d’engin. Rien que des scies passe-partout, des haches et… de l’huile de coude. La trentaine de professionnels du bois chargée de la tâche fait partie de l’association nationale des Charpentiers sans frontières. Et ils ne badinent pas avec les traditions. « Travailler le bois à la main, c’est notre griffe, notre signature. Pour nous, c’est un retour à l’essentiel, surtout en cette époque de mécanisation. Quand on touche le bois, il y a un dialogue charnel qui se crée avec la matière. On n’utilise pas du bois stéréotypé, standardisé. Et c’est quelque part très jouissif », s’émoustille François Calame, ethnologue auprès de la Direction régionale des affaires culturelles (DRAC), et coordinateur des Charpentiers sans frontières.
Et après l’abattage ?
Après l’abattage, viendra, d’ici quelques mois, la phase de réparation et de dévégétalisation des piles (pieds de pierres qui tiennent la passerelle). « La végétation a poussé à l’intérieur, les rendant fragiles. Les intempéries ont joué aussi », explique Aurélie Grosjean, médiatrice culturelle du Domaine. Les arbres abattus, eux, vont rester dans le bois jusqu’en juillet prochain. « On laisse sécher les billes de bois et les bourgeons prendre la sève restante dans l’arbre. Ensuite, en juillet, quand viendra le temps de l’équarrissage (la taille du bois), on transportera les arbres avec des chevaux de trait jusque dans la basse-cour », explique Paul-Franck Therain, ingénieur du patrimoine pour la Drac. Le coeur de chaque arbre abattu, plus résistant, sera utilisé pour construire les pièces nécessaires à la reconstruction du pont. « La première construction n’a pas tenu, alors qu’elle a, à peine, 40 ans. Elle a été mal conçue, il y avait des infiltrations d’eau », analyse François Calame. Cette fois-ci, tout a été étudié de près. « On va d’ailleurs construire d’un seul bloc la main courante (partie pour se tenir). Elle fera 20 mètres de long ». La passerelle sera reproduite à l’identique.
50 volontaires pour reconstruire
Tous les Charpentiers étaient volontaires pour cette mission. Ils viennent de Normandie, pour la plupart, mais aussi de plus loin, de Savoie, par exemple. En septembre, une cinquantaine de Charpentiers, du monde entier cette fois-ci, se rendra quelques jours sur le site harcourtois pour la suite des opérations : l’installation de la nouvelle passerelle. « Chez nous, ce qui compte, c’est le plaisir de se retrouver et de faire réaliser quelque chose ensemble, tout en découvrant des endroits un peu magiques, comme Harcourt », poursuit François Calame. Et Paul-Franck Therain de renchérir : « Ça permet de se rendre compte du travail des anciens. Comme quoi, avec peu d’outils et en respectant l’environnement, on peut abattre des arbres ».
Pour le Domaine d’Harcourt, l’opération est avantageuse. « Financièrement, nous ne payons que 65 000 € de matériel, pour réparer les piles, notamment. Les Charpentiers interviennent à titre bénévole sur le chantier », souligne Aurélie Grosjean. « Et pour la détente, aussi », sourit PaulFranck. Affaire à suivre dans les mois à venir.