Machin Chose

LE MAUSOLÉE DES OBJETS

- Par Hugo Lindenberg

Comme tout le monde j’aime bien me perdre dans le désordre du web. Passer d’une page Wikipédia sur Bell Hooks à un Tumblr qui colle des punchlines de Kanye West sur des images de Sauvés par le gong. De ces virées hypnotique­s, il ne reste souvent que quelques souvenirs flous et le sentiment du temps perdu. Mais dans cet océan, il y a une page qui m’obsède. C’est celle sur les 100 astuces pour se faciliter la vie. L’idée ? Une fois détournés, certains objets révèlent de nouvelles qualités. Des lunettes de soleil retournées font un formidable repose-iphone, les boules de Noël peuvent se ranger dans une boîte d’oeufs vide, une pince à linge évite de se taper les doigts en plantant un clou. C’est débile, parce que mes boules de Noël font trois fois la taille d’un oeuf et que je sais planter un clou, mais ça me fascine que quelqu’un ait eu l’idée d’utiliser le plastique qui ferme le paquet de pain de mie pour réparer ses tongs.

Cette page, c’est le mausolée des objets du quotidien. Ceux qu’on ne regarde plus parce leur look n’a pas changé depuis l’avènement de la télé couleur et qu’on ne va quand même pas épiloguer pendant une heure sur un coton-tige. Sauf si. Sauf si justement on les regarde avec attention. Qu’on se met à fouiller les archives à la recherche de leur histoire, qu’on part à la rencontre de ceux qui réfléchiss­ent à leur avenir ou les détournent. Bref, qu’on les traite avec tout le respect qu’on doit à la pop culture et aux choses futiles. Alors on découvre qu’il y a une intelligen­ce des objets, qu’ils sont épais de la sueur et du sang qui a parfois coulé pour leur création, des luttes dont ils ont été les symboles ou les instrument­s, des vies qu’ils ont sauvées, de l’art qu’ils ont inspiré. La vraie question, ce n’est pas de savoir si on peut comprendre le monde à l’aide d’un coton-tige, mais si on peut comprendre quoi que ce soit si on ne s’y intéresse pas. Si ça vous tente, Machinchos­e est là.

“SI ON TRAITE Un coton-tige avec tout LE respect qu’on doit à LA pop culture ET aux choses FUTILES, on découvre qu’il y a une intelligen­ce des objets. ”

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