Madame Figaro

ENTRE TE N I R la fl a m e

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« Nos p a p a s n o u s l’ont dit, pour la fête des Pères, ils désirent tous un Flaminaire. » Peut-être l’ignorez-vous, mais c’est avec ce slogan qu’est née la fête des Pères en France. En effet, en 1952, un fabricant de briquets souhaite popularise­r son produit–phare : il incite donc les fils à l’offrir à leurs pères, et c’est ainsi que des motivation­s commercial­es relancent une tradition chrétienne tombée en désuétude. On peut s’en désoler, mais je préfère m’en réjouir, car, au fond, où, enfant, je tendais en tremblant un dessin qui semblait avoir été exécuté d’une main tout aussi tremblante. Plus tard, je remettais une boîte à camembert recouverte de coquillage­s. Adolescent, avec mon argent de poche, je dénichais une bouteille de vin (pas le meilleur, mais mon père faisait semblant de ne pas s’en rendre compte). Avec mes premiers émoluments, j’achetais un parfum, le premier d’une longue liste, puisque le parfum est le cadeau idéal de ceux qui ne savent pas en faire ou ne prennent pas le temps d’y penser ; celui surtout des fils paresseux. ces années-là, je devais me sentir coupable et il me fallait témoigner d’un effort d’imaginatio­n. Sur la fin, il y eut des livres, comme si je m’acquittais d’une dette – puisque c’est mon père qui m’a poussé vers eux, dès le plus jeune âge – et comme s’il me revenait de maintenir en éveil sa curiosité, à flot son érudition. La seule chose invariable d’une année sur l’autre, puisque nous étions gens pudiques ; pas le genre à s’épancher. Une conversati­on où était prononcé, avec la voix qui se brise, le mot « papa ». Un mot que depuis trois ans je ne prononce plus.

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