UN STYLE À PART
Exposée pour la première fois en France à la Galerie Daniel Templon, cette série témoigne des obsessions de ce pionnier de la photo contemporaine, un des premiers à créer des images monumentales à l’aide d’équipes et de procédés cinématographiques, planifiant chaque détail et fabriquant de fastidieux montages en postproduction – ce qui lui coûte parfois jusqu’à un million de dollars. Sa lumière et ses paysages surréels évoquent autant les scènes perturbantes d’Alfred Hitchcock ou de David Lynch que les personnages solitaires d’Edward Hopper ou de Lucian Freud. Aujourd’hui à la tête du département de photo de l’université Yale, il est représenté aux États-Unis par la prestigieuse Galerie Gagosian. Ses oeuvres se vendent autour de 100 000 dollars et figurent dans les collections du MoMA ou du Whitney Museum of American Art de New York. « Pour moi, les plus grands photographes sont ceux qui créent des formes inédites en transcendant l’enregistrement mécanique, explique le galeriste Daniel Templon. Gregory Crewdson est plus qu’un photographe. Comme Helmut Newton ou Robert Mapplethorpe que j’ai exposés avant lui, il est avant tout un artiste d’une absolue originalité, car il a su créer un langage à la frontière entre peinture et cinéma. Son travail foisonne de références, mais toujours de façon très subtile. »
C’est dans la culture populaire américaine que le photographe puise son inspiration – les paysages du peintre Thomas Cole au XIXe siècle, les portraits de la photographe Diane Arbus, le suspense du réalisateur David Cronenberg – mais son univers reflète surtout sa psyché, ses désirs et ses angoisses. Romantique, Crewdson photographie la nature comme une entité menaçante et consolatrice. Il exprime la solitude, l’aliénation de l’existence, la perversion, la peur de la mort, une nostalgie pour un état primal, pour l’innocence de l’enfance. Sa lumière, crépusculaire, est à la fois divine et sinistre. Particulièrement dans cette nouvelle série, plus intimiste et cathartique que jamais, ses scénarios théâtraux, la recherche de l’image parfaite, tentent de contrer le désordre