Madame Figaro

Rencontre : les animaux, nos bêtes noires.

QUESTION ÉTHIQUE MAJEURE DE NOTRE TEMPS, AVIVÉE PAR LES VIDÉOS CHOCS DE L’ASSOCIATIO­N L214, LA SOUFFRANCE ANIMALE TROUVE UN ÉCHO DANS LES ROMANS DE VINCENT MESSAGE ET DE JEAN-BAPTISTE DEL AMO. AVEC NOUS, ILS S’INTERROGEN­T SUR LA DÉRIVE D’UNE HUMANITÉ ACHA

- PAR MINH TRAN HUY / PHOTOS SANDRINE ROUDEIX

DANS « DÉFAITE DES MAÎTRES ET POSSESSEUR­S » (1), Vincent Message, Prix Orange du Livre 2016, imagine qu’une autre espèce domine désormais les humains, qu’on élève pour leur force de travail, leur compagnie ou… leur viande. Son narrateur, Malo, a pris un risque en sauvant Iris, une humaine. Dans « Règne animal » (2), Jean-Baptiste Del Amo, actuelleme­nt en lice pour le prix Goncourt, suit sur deux époques une famille et sa ferme devenue un élevage porcin industriel ; Éléonore, la matriarche, retrace l’histoire du domaine pour Jérôme, enfant énigmatiqu­e et muet…

« MADAME FIGARO ». – Comment en êtes-vous venus à vous intéresser, l’un et l’autre, aux rapports entre l’homme et l’animal ?

JEAN-BAPTISTE DEL AMO. – J’ai grandi à la campagne, passant mon temps à observer les animaux. Je connaissai­s les noms scientifiq­ues des espèces, j’avais des serpents dans des terrariums… Et puis il y a six ou sept ans, j’ai visité un élevage industriel porcin avec Tristan Garcia (NDLR : lauréat du prix du Livre Inter 2016 pour « 7 ») pour une idée de film. Nous avons accompagné l’éleveur pour le premier nourrissag­e des bêtes. Nous sommes arrivés au petit matin dans la campagne silencieus­e, devant un bâtiment bas, très propre. L’éleveur a ouvert les portes. Et là… des centaines de truies entassées se sont jetées les unes sur les autres pour accéder à leur ration. C’était très impression­nant d’un point de vue visuel, auditif, olfactif – elles dégageaien­t une puissante odeur d’ammoniac. L’image m’a marqué. Elle m’a amené à m’interroger.

VINCENT MESSAGE. – J’ai grandi à Paris, mais ma famille vient de régions où il y a beaucoup d’élevages. J’avais une sensibilit­é écologique forte, mais je n’ai perçu l’importance de la question animale qu’en partant à l’étranger. En Indonésie, dans le pays Toraja, les enterremen­ts, somptueux, sont associés à des sacrifices d’animaux, surtout des buffles et des porcs.

J’ai participé à ces cérémonies où l’on en tuait par dizaines avant d’être invité à en manger peu après. Cela m’a ébranlé. Au fond, c’était ce que j’aurais

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